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Mon amour

Ton amour fait mal, mon amour. Ton amour me fait mal.

Tu es tombé fou amoureux du monde, et de tous ceux qui le composent. Tu aimes les êtres vivants, les autres humains, tous, sans exception, et totalement. Tu tombes fou amoureux de toute personne qui te parle, même ceux qui t’insultent, et même de ceux qui ne te parlent pas, et même de ceux de que tu ne connais pas ni n’as aucune chance de jamais voir. Tu es fou amoureux du monde, et ton amour est précieux car il est unique, car tu es le seul être à aimer ainsi.

Mais il n’est précieux que dans l’absolu, car il est absolu. Ton amour fait mal, mon amour, et il n’est pas précieux, tu le gaspilles trop, tu le donnes trop à tout le monde.

Et moi, mon amour, tu ne m’aimes pas plus qu’une autre, pas même plus qu’un homme, car tu aimes tout le monde au maximum des capacités d’amour, d’un amour infini, donc égal pour tous. Et tu me rends jalouse, mon amour. Car moi il n’y a que toi que j’aime comme ça.

Ton amour fait mal, mon amour. Tu nous rends jaloux et envieux. Et cela même nous fait mal, car nous savons que cela te décevrait si tu le savais. Et tu le sais, j’en suis sûre, tu sais toujours tout. Et quand je me fais ces réflexions il arrive souvent que tu me regardes, en souriant tristement.

Quand vient la nuit, je le sais, c’est pour me consoler que tu me prends dans tes bras. La chair n’est rien, pour toi ; tu trouves aussi fabuleuse une fleur qu’un baiser, tu aimes autant goûter à du raisin qu’à ma peau, car tu aimes tout, toute la nature et tous les plaisirs dont elle regorge, autant les uns que les autres. Et si tu continues malgré tout à me toucher, à me prendre, c’est seulement pour marquer une différence entre moi et les autres, pour te faire pardonner de tous les aimer autant que moi.

Mais je le sais bien, mon amour, je le sais bien que tu aimes autant me caresser la joue que serrer la main d’un homme. Je vois bien, dans tes yeux, la façon dont tu regardes ceux qui te suivent. J’ignore même si tous réalisent que tu les aimes, que tu les aimes vraiment. Ils savent que tu tiens énormément à eux, bien sûr, que tu te sacrifierais pour eux. Ils ne savent pas que tu es amoureux de chacun d’entre eux, spécifiquement.

Ceux qu’ils appellent ton préféré ne l’est que parce que, comme moi, lui a compris. Oh oui, il a compris, et il prend plaisir à se blottir contre toi. Probablement te mérite-t-il mieux que moi, lui qui ne semble pas jaloux, lui qui ne serre jamais les poings en te voyant regarder tout le monde comme tu le regardes, lui à qui ton amour suffit. C’est peut-être parce que je suis une femme, et qu’il est dans la nature des femmes d’être jalouses.

Mais alors, je dis qu’il te mérite mieux, mais au fond, il t’a autant que moi, même s’il ne peut réellement toucher ton corps. Sans doute ne voudrait il même pas, tout comme toi, tu ne le veux pas ; non, car le voir sourire suffit à illuminer ton regard, comme il s’illumine chaque fois que tu vois quelqu’un heureux.

Et ta présence nous rend tous heureux, mon amour, mais elle fait mal, et tu le sais, ça aussi. Tu dis que ça s’arrangera, et j’ai peur, parce que cela ne peut signifier qu’une chose, et que ton absence risque d’être pire encore que la douleur que tu nous infliges maintenant.

Je t’aime, mon amour. Et tu es fou amoureux du monde, jusqu’à vouloir te sacrifier pour lui.

Fin




Notes de fin de nouvelle :
C'était le moment "donc, Dieu est amour, Jésus est amour, il aime tout le monde. ... Et si je prenais ça au premier degré?" Et voilà.


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