Les Extravagances d'Hannalora Clover : extrait
Comment appelait-on le membre d’un équipage d’un vaisseau volant ? Un marin des airs ? Celui-là avait en tout cas l’air ennuyé.
« Le capitaine est occupé, répondit-il, et ne peut rien faire pour améliorer la stabilité de la Princesse.
— Je dois lui exposer un problème grave », insista-t-elle.
L’ennui du – marin ? pilote ? cela commençait à la contrarier – se changea en agacement.
« Je suis navré, Mademoiselle, mais le capitaine n’est pas là pour prendre les plaintes. Vous pouvez en adresser une, par écrit, à la compagnie du Nuage bleu, si vous le souhaitez, une fois arrivée en Italie. »
Hanna resta déconcertée par le ton sec de sa réponse. Elle avait l’habitude que les gens lui répondent par la positive, au moins quand elle prenait la peine d’insister. Elle réalisa alors qu’elle ne s’était pas présentée et se redressa de toute sa hauteur, regrettant de ne pas avoir mis des bottines à talons pour la première fois depuis le décollage du dirigeable.
« Je ne vous permets pas de me parler sur ce ton, jeune homme ! gronda-t-elle avec sa meilleure imitation de son arrière-grand-mère Mildred. Je suis Lady Hannalora Clover, et j’exige de parler à votre capitaine. Immédiatement.
— Y a-t-il un problème, John ? »
L’homme qui venait de s’avancer avait un port rigide, l’arrogance innée de toute personne se sentant dans son bon droit à n’importe quelle heure de la journée et, surtout, des épaulettes dorées. Hanna dut lutter pour ne pas redevenir gentille et fronça le nez comme s’il sentait très mauvais – ce qu’elle aurait eu bien du mal à remarquer, étant donné la puanteur ambiante.
« Êtes-vous le capitaine ?
— Je suis son second lieutenant, Mr Nerrington, Madame. Est-il survenu un problème si grave pour que vous dérangiez ainsi mon équipage ? »
Celui-là avait du sang noble dans les veines, ou elle ne s’appelait pas Clover. Il devait avoir trente ans et respirait avec la certitude qu’il deviendrait capitaine – il parlait, après tout, de son équipage. Hanna savait comment traiter ce type de personnage : elle laissa son anxiété croissante prendre le dessus et fondit en larmes.