Chroniques d'un cycle : Les Enfants de Lyth

Chapitre 10

« Emaë, l’Air. Androgyne, souvent doté d’ailes angéliques, aux longs cheveux blancs dispersés autour de lui et à l’air doux. Beaucoup de chants lui sont consacrés. Il est souvent considéré comme l’Élément de la musique et représenté avec un instrument dans les mains. »

 

- Mythes et vérités, Kamu -

 

 

Malgré sa réticence à sortir de l’Eden, Lucifer était Descendu pour attendre Bélial. Il restait un espoir ténu de régler la situation avant qu’elle ne s’envenime, aussi l’attendait-il avec impatience. Contre son épaule, il percevait la présence de l’ession de Saraqael. Lorsque celui-ci disparut à ses sens, caché par des illusions, il sut que Bélial devait être arrivé.

Ses bonnes résolutions fondirent comme neige au soleil lorsqu’il se retrouva face à lui. Le démon blond l’enlaça, comme chaque fois, comme si rien n’avait changé. Puis il sourit, de son sourire espiègle, charmant, qui faisait craquer ces dames, et Lucifer crut que cela n’avait été qu’un cauchemar.

Malheureusement, le rêve disparut avec le sourire, qui fut remplacé par une mine sombre.

« Bonjour, mon ange, le salua-t-il malgré tout. Comment ça se passe, en Haut ?

— Aussi bien que possible, c’est-à-dire mal, répondit Lucifer. Nous espérons redresser la situation… Et en Bas ?

— Il aurait fallu retenir la main de tes archanges avant qu’ils ne frappent, je le crains.

— Tu sais ce qui s’est passé. Tu étais avec moi quand Saraqael m’a prévenu.

— Oui, mais les faits sont là : des démons ont été tués par des anges, déplora Bélial.

— Des anges sont morts, eux aussi ! Qu’en disent tes pairs ?

— Qu’ils ne sont pas responsables. »

Lucifer pâlit, effaré.

« Ça ne peut pas s’arrêter là. Il doit y avoir un moyen !

— Je voudrais pouvoir te dire que oui, s’excusa l’archidémon.

— Et Belzébuth ? Ne peut-il pas me voir ? Nous devons nous parler en personne. Il n’a jamais voulu me rencontrer jusqu’ici mais sûrement, au vu des circonstances… »

Bélial secoua la tête.

« Il refuse. »

Désespéré, Lucifer baissa les yeux. En Eden, la situation était terrible. Après que les anges aient vu les leurs allongés, sans vie, dans la cathédrale, ils avaient voulu courir sus aux démons. Lui et les autres archanges avaient eu le plus grand mal à les contenir.

Il comprenait que ce soit difficile pour les démons aussi, mais s’ils continuaient sur cette route… Il frissonna. Il préférait ne pas y songer.

« Je dois Remonter. Il y a tant à faire…

— Déjà ? s’affligea le démon. Mais nous venons seulement de nous retrouver…

— Tu plaisantes, n’est-ce pas ? Cette crise est prioritaire.

— L’Eden passe toujours avant tout pour toi. »

Lucifer acquiesça sans tenir compte de la rancœur de son ami.

« Comme les Abysses pour toi. »

Il lui attrapa une main et la serra, fort.

« Crois-moi si je te dis que je préfèrerais rester, que rien de cela n’ait eu lieu. Mais la situation ne peut être changée et j’ai des responsabilités. »

Bélial le laissa faire.

« Si tu as besoin de quelqu’un à qui parler, je reste à ta disposition.

— Je sais. »

Lucifer lui serra la main plus fort, amical, puis la lâcha pour ouvrir un Portail.

« À bientôt j’espère », le salua-t-il avant de Traverser.

Il s’avança dans l’Entre-monde, soucieux, et n’eut guère le temps de se reposer une fois arrivé en Eden. Saraqael l’attendait dans son bureau, plus pâle et cerné encore que d’habitude.

« Alors ? demanda-t-il, impatient.

— Alors rien. Bélial m’a dit que les démons réfutaient toute responsabilité dans les évènements et qu’ils nous considéraient donc coupables d’une agression injustifiée. Belzébuth refuse de me recevoir.

— C’est avec lui que tu dois traiter, Lucifer. Lui et personne d’autre. Il se trouve à la tête des Abysses, pas Bélial.

— Je sais ! s’écria l’archange de la Lumière. Je le sais mieux que quiconque, mais je ne fais pas de miracles !

— Il faudrait, pourtant ; ce n’est pas Lyth qui S’en chargera pour nous. »

Ce trait d’humour noir ne fit sourire aucun des deux. Lucifer se rendit dans la petite cuisine attenante à son bureau pour y faire chauffer de l’eau. Après une nuit blanche et la journée infernale qui était en cours, il avait besoin d’un stimulant.

« Une tisane ?

— Pas maintenant, merci, déclina Saraqael. Par contre, j’aurais besoin de ton autorisation.

— Pour ?

— Descendre à Pandémonium, sous illusion s’il le faut, et parler à Belzébuth. »

Lucifer en laissa presque échapper sa tasse.

« Tu ne peux pas faire ça ! »

Il frémissait à l’idée de voir Saraqael courir tant de risques. Belzébuth était capable de tout – sans même parler d’Asmodée ou Azazel, dont Bélial lui avait décrit le terrible caractère. Cependant, l’archange du Soleil ne recula pas.

« Oh si, je peux. De plus, je ne fais pas partie de ceux qui ont stupidement tué des leurs.

— Ils ont toujours refusé qu’un autre archange Descende, tu courrais un trop gros danger. En plus, Bélial verrait à travers une illusion, Elvion et Essiah offrent les mêmes pouvoirs.

— En ce moment, il ne se trouve pas à Pandémonium. Il vient de quitter l’endroit de votre rendez-vous et il erre sans but. »

Lucifer le fixa, sidéré.

« Tu l’espionnes ?

— Je vais me gêner, renifla Saraqael. La dernière fois que je vous ai lâchés, une catastrophe s’est produite. Je ne compte pas commettre deux fois une telle erreur. »

Anxieux, le Premier-né scruta le visage de l’archange du Soleil. Il avait tant pris l’habitude de le voir fatigué qu’il n’y prêtait plus attention, mais ses traits devenaient de plus en plus tirés malgré son lien vers l’Eden. Il avait les joues creuses et sa peau avait perdu depuis longtemps sa dorure pour devenir terne, pâle. Peut-être devrait-il l’envoyer à un guérisseur ? Non, le problème était magique, pas physique, et lié à une fatigue qu’aucun pouvoir ne pourrait compenser.

« Tu devrais te reposer, dit-il.

— Le moment est mal choisi pour une cure de sommeil.

— Combien d’heures dors-tu chaque nuit ?

— Pas moins que toi.

— Et combien d’essions as-tu envoyé de par le monde ? »

Cette fois, Saraqael grimaça sans répondre.

« Alors ?

— L’Eden en a besoin. Je diminuerai l’effort quand j’en aurai l’occasion. Alors, ton autorisation ? Belzébuth n’est pas du genre à faire des cachoteries et encore moins à refuser de dialoguer. Je ne sais pas ce qui lui prend, mais si j’arrive jusqu’à lui, je doute qu’il m’empêche de Remonter. »

Lucifer pâlit à nouveau en réalisant que Saraqael connaissait mieux Belzébuth que lui. L’archange du Soleil avait envoyé bien plus d’essions qu’il ne l’admettrait… Devant tant d’obstination, Lucifer céda.

« Très bien. Mais laisse un ession auprès de moi, que celui-ci me prévienne au moindre problème. C’est clair ? Je te rejoindrai si un malheur arrive. Et, par Lyth, ne prends pas de risques inutiles !

— Promis », s’amusa Saraqael avant de Traverser.

 

***

 

Pandémonium, capitale des démons, était plus silencieuse que jamais. Lumières éteintes, feux étouffés, fenêtre closes par de lourds volets de bois. Ceux qui n’en possédaient pas avaient cloué des pièces de tissu ou tiré leurs rideaux pour isoler leurs maisons de l’extérieur.

La ville était en deuil.

Le silence, cependant, n’était dans les manières des démons ; ils chuchotaient dans leurs quartiers, préparant le lendemain et leur vengeance. Les anges allaient payer.

Au-dessus d’eux, la montagne-palais des archidémons se découpait dans le ciel orangé du crépuscule.

Au début des temps, les démons avaient creusé la roche d’une montagne afin de se donner un abri. La magie les avait aidés à agrandir et éclairer les tunnels et bientôt, les grottes peu avenantes s’étaient transformées en un confortable palais de pierre, protégé sur toute une façade par la montagne dont il faisait partie. L’humidité avait été chassée de ses nombreuses pièces grâce à des runes et des tapisseries pendaient aux murs pour y retenir la chaleur des âtres. De nombreux plafonds portaient des gravures artistiques tandis que les sols s’ornaient de mosaïques.

Les pierres évacuées par la construction du palais avaient été utilisées pour agrandir le bâtiment vers l’extérieur, où la lumière du jour avait un meilleur accès. De grandes cours à ciel ouvert et des jardins avaient été aménagés, où des plantes tant aromatiques qu’odorantes étaient cultivées. Rien n’était trop extravagant pour les archidémons.

Tout autour de la demeure, des maisons avaient poussé. Dotées de toits plats pour faciliter les atterrissages, bâtis en solides briques de terre cuite, elles rivalisaient de confort et d’esthétisme. Pourtant, aucune n’égalait la montagne-palais.

Au sein de celle-ci, les Ténèbres s’agitaient : le maître des lieux était de mauvaise humeur.

Les morts se vengeaient, même si Belzébuth aurait préféré éviter pareille catastrophe. Il avait écouté les rapports de Bélial avec plaisir et croyait pouvoir se fier à Lucifer et aux siens. Il avait même songé à l’inviter, à le rencontrer… Il s’était lourdement trompé.

« À long terme, ma solution est la meilleure. Elle minera les anges de l’intérieur.

— Aucune envie d’attendre. Il faut attaquer.

— Nous n’aurons pas des forces équivalentes de front…

— Ils savent pas se battre. »

Belzébuth se tenait dans la salle où il avait établi son trône, dont les ombres lui plaisaient. À ses côtés se trouvait Lilith et Astaroth, qui se disputaient sur la manière de faire payer leur geste aux anges. Lilith, belle et blonde, voulait miner les anges par des actions psychologiques, suivant une logique complexe. Astaroth, bras droit de Belzébuth, préférait une option plus directe.

Leurs exclamations agaçaient l’archidémon des Ténèbres au plus haut point.

« Il suffit, les interrompit-il. Lilith, ton idée est intéressante mais Astaroth a raison. Nous ne pouvons pas rester les bras croisés après une insulte pareille.

— Je n’ai pas dit le contraire, mais nous ne devons pas oublier la menace vampirique qui continue de peser sur les Abysses, signala la belle démone. Ils nous ont déjà causés de nombreux problèmes à eux seuls !

— Nous ne les avons pas attaqués au maximum de nos capacités, contra Belzébuth. Astaroth a fait de l’excellent travail mais nous n’avons jamais eu l’opportunité de véritablement… »

Il laissa sa phrase en suspens : les ombres avaient bougé. Il attendit que le silence se fasse pour se lever.

« Montrez-vous, ordonna-t-il au vide, sous les regards perplexes des deux autres archidémons. Je sais que vous êtes là. »

Sans surprise, quelqu’un se détacha du mur, apparaissant petit à petit, silhouette d’abord, puis dotée de relief, et enfin de couleurs : un archange. Il tenait ses trois paires d’ailes déployées pour donner son identité, et son aura sous contrôle pour ne pas sembler agressif.

En voyant le sourire prédateur de Belzébuth sur lui, l’intrus s’inclina profondément.

« Mon nom est Saraqael, archange du Soleil. Permettez-moi, Seigneur des Abysses, de vous présenter mes respects.

— Tu es audacieux de Descendre ici, Sarakhiel, répondit Belzébuth, prononçant le nom à la manière démoniaque.

— L’audace fait partie de mes devoirs, seigneur des Ténèbres, surtout en de pareils temps.

— J’aurais pu te tuer avant de t’adresser la parole. Je suis certain qu’Astaroth se ferait un plaisir de te réduire en charpie.

— Vous savez que tuer quiconque parmi nous serait une catastrophe qui toucherait les Trois Mondes réunis.

— Parfois, les gens agissent sans réfléchir.

— Mais vous ne faites pas partie de ces gens-là. »

Belzébuth sourit, acceptant le compliment. Ce Saraqael avait raison, il ne pouvait pas s’en prendre à lui ou, du moins, pas de façon définitive : l’Équilibre entier en pâtirait. Il fit signe à Astaroth de rester calme.

« Très bien, dit-il enfin. Pourquoi êtes-vous venu ?

— À cause de la catastrophe d’hier, avoua Saraqael en se redressant. Nous ne pouvons pas rester sur de telles positions, pas sans autre débordement, et il y en a déjà eu deux de trop. »

L’archidémon des Ténèbres fronça les sourcils.

« Deux ?

— En effet. Les anges n’auraient jamais dû s’en prendre aux vôtres, je l’affirme aussi haut et fort que vous-même. Néanmoins, ils n’ont fait que riposter face à une agression de violence égale. »

Belzébuth fronça les sourcils.

« Bélial m’avait déjà rapporté ce non-sens. Aucun démon ne s’en est pris à des anges. Pourriez-vous m’apporter des détails supplémentaires ?

— Je crains de ne pas pouvoir vous en dire beaucoup plus, répondit Saraqael. Quelques anges de Foudre sont Descendus malgré nos ordres. Leurs cadavres ont été retrouvés avec des preuves accusant les démons. S’il y a eu des morts dans le camp adverse, ils ont été emmenés par les survivants. »

L’archange secoua la tête.

« Raphaël a perdu la tête, touché par la perte des siens… Tout comme vous devez l’être », ajouta-t-il avec un hochement de tête vers Astaroth.

Les démons morts avaient été de son clan, et l’archidémon ne répondit que d’un grondement sourd.

« Raphaël n’a pas réfléchi, argumenta encore Saraqael, et sera puni pour son geste, si tant est que la mort des siens ne soit pas un châtiment suffisant.

— Rien ne remplacera les démons tombés, déclara Astaroth d’une voix rauque.

— Je suis certain que notre invité le sait. »

Le ton de Belzébuth, jusque là amusé, se durcit.

« Ce qu’il ignore, par contre, c’est la colère que nous ressentons. Nous pourrions, nous aussi, perdre la tête et attaquer les anges que nous croisons. Qu’en pensez-vous ? »

Saraqael grimaça. Il n’avait pas de réponse à cela, ce qui était presque un bon point. Mais pas suffisant.

« Aucun démon n’a attaqué d’ange, reprit Belzébuth. S’ils l’avaient fait et que vous m’aviez prévenu, je vous aurais livré moi-même la tête des coupables… mais ce n’est pas ainsi que vous avez réagi. »

Il se leva, très digne, et son assurance royale aurait donné à n’importe qui envie de reculer. Saraqael ne baissa même pas les yeux. Ce n’était pas de l’insolence mais du courage, ainsi qu’une certaine forme de fierté, aussi Belzébuth ne lui en tint pas rigueur.

« Vous avez sauté aux conclusions, continua-t-il. De nombreuses créatures vivent dans les Abysses, mais c’est aux démons que vous avez pensé. Et ne me faites pas l’insulte de dire que vous ignorez pourquoi.

— Lyth et Sei sont ennemis, commenta sobrement Saraqael.

— Les vôtres nous considèrent comme des adversaires sans même nous rencontrer.

— Nous vous considérions tous ainsi, avant de vous rencontrer, corrigea l’archange sans hésiter, mais Lucifer a changé d’avis après être Descendus. Ce n’est pas parce que certains sont idiots que vous devez condamner tous les anges. »

Il sut qu’il avait fait une erreur dès qu’il eut prononcé ces mots et il soupira. Belzébuth se contenta de sourire, du sourire froidement satisfait de celui qui aurait préféré ne pas avoir raison.

« Que vous soyez venu jusqu’ici est louable. Malheureusement, les vôtres ont tué des démons, sans poser de questions, sans même m’envoyer un messager alors que nous avions un contact établi. Comment rester en paix après ça ? Comment vous faire encore confiance ?

— Je n’ai pas de réponse à cette question, répondit Saraqael. Mais votre décision fera perdre aux Abysses beaucoup de vies.

— Dites cela à ce Raphaël. »

Saraqael eut un sourire cynique. Le nom avait été prononcé sans la moindre trace d’accent.

« Je n’y manquerai pas. »

Il salua Belzébuth, puis les deux autres archidémons, et se fondit à nouveau dans les ombres. C’était une simple illusion qui lui permit de quitter la pièce dignement ; le maître des Abysses le laissa faire. Il se tourna vers Lilith et Astaroth lorsqu’il perçut que le Portail qui emmenait Saraqael se refermait derrière lui.

« Votre avis ?

— D’accord avec toi. »

Astaroth était trop furieux pour accepter le dialogue, aussi sa réponse ne le surprit pas.

« Et toi, Lilith ? »

La belle démone secoua la tête, indécise.

« Je pense que tu as raison, moi aussi. Les anges ont réagi de la pire des façons. D’un autre côté, nous ne pouvons pas laisser qui que ce soit usurper notre nom pour commettre un crime. Une enquête doit être lancée. »

Belzébuth acquiesça.

« Tu voudras bien t’en charger, en toute discrétion ?

— Je ferai de mon mieux. »

L’archidémon des Ténèbres hocha la tête, confiant, avant de les congédier tous les deux.

Ce n’était pas le style des anges, s’en prendre à eux sans raison. Par contre, s’en prendre à eux à la première occasion bien, cédant à la pression qu’avait induite Lyth dans leurs esprits.

Qu’il en soit ainsi. Lui-même n’avait vu Sei en personne que brièvement, au moment de sa création. Il n’en avait guère eu besoin. Il savait ce que son Seigneur attendait de lui. Simplement, il considérait qu’il avait reçu le libre arbitre pour une raison et n’avait pas compté s’en prendre aux anges sans provocation de leur part.

 

***

 

Sans crainte d’être vus, les feux de joie brûlaient partout dans Ijishia. Autour d’eux, les vampires bavardaient comme auraient pu le faire des démons, quoiqu’avec plus de tenue. Aucun ne se serait permis d’entamer une de leurs danses ridicules et, de toute façon, il n’y avait pas de musique. L’ambiance était cependant bon enfant, ce qui était rare en soi.

Le plan de Ketosaï s’était déroulé à merveille et sa conclusion inéluctable ne saurait tarder : les chasses conduites contre les vampires avaient été fortement réduites, tous avaient pu manger à leur faim pour la première fois depuis des mois.

Shön se tenait en retrait, sombre. Ymesh restait à ses côtés, solidaire comme toujours, et fusillait du regard Anijia qui s’amusait.

« Comment peut-elle fêter ça avec les autres ? Est-ce qu’elle se rend compte des conséquences ?

— Une guerre signifie moins d’ennuis pour nous, lui rappela le mage de Glace. Moins de chasses contre les nôtres, de la nourriture plus accessible…

— Mais quand même… Les anges et les démons sont nombreux.

— Nous n’avons pas protesté, lui rappela Shön. Nous sommes nous-mêmes allés chercher Ketosaï.

— On ne pouvait pas prévoir… »

Le maître vampire sourit et Ymesh se sentit rougir. Si, bien sûr qu’ils auraient pu ; Shön avait même négocié avec lui. D’ailleurs, dès le départ, il avait été réticent à demander son aide. Une fois Ketosaï présent, ils n’avaient guère eu d’autre choix que de le suivre.

« C’était tout de même stupide, et plus stupide encore de fêter des évènements si tragiques, fit le jeune elfe d’un ton boudeur. Sans parler de ce qui arrivera si quelqu’un découvre ce qui s’est passé.

— Si cela arrive après le déclenchement de la guerre, cela n’aura plus la moindre importance. Anges et démons auront tant de griefs les uns envers les autres qu’ils ne s’arrêteront pas.

— Les chasses reprendront…

— Elles reprendront de toute façon. Tu crois vraiment que les démons vont nous laisser nous servir parmi eux ? Non. Cependant, ils ne pourront plus nous faire face aussi efficacement, car ils auront aussi les anges comme adversaires. »

Ymesh grommela et Shön posa une main ferme sur son épaule.

« Bravo tout de même de ne pas t’arrêter aux apparences. Le simple esprit critique se fait rare, par ici.

— Sans doute parce que la survie est la préoccupation principale, avant toute notion de morale, intervint Shean en s’approchant. Désolé de vous déranger…

— Il n’y a pas de mal », lui assura Shön.

Shean lança un regard interrogateur à Ymesh, mais celui-ci secoua la tête. Au départ, ses rapports avec le fils de son Primogène avaient été houleux, mais depuis que la petite entreprise de Ketosaï s’était mise en marche, ils avaient eu d’autres préoccupations.

D’ailleurs, où était passé Ketjiko ?

« Je crains qu’Ijishia ne reste plus longtemps la seule ville vampirique.

— C’est plutôt une bonne nouvelle…

— C’en sera une quand les parasites qui courent les rues de ma cité seront partis », déclara Shean d’un ton tranchant.

La possessivité des vampires par rapport à leur territoire était d’autant plus élevée qu’ils ne pouvaient que rarement s’en procurer un. Ymesh comprenait que le maître-vampire veuille se débarrasser de ceux qui avaient afflué ces derniers temps, détritus même parmi les charognards, qui avaient voulu se mettre sous la protection de Ketosaï.

Ce dernier était gênant aussi du point de vue de Shean. Avoir un ska plus puissant que lui sur son territoire avait dû causer pas mal de tensions.

« J’espère que cette folie ne durera pas », soupira le Sire d’Ijishia.

Shön secoua la tête, sombre.

« Je crains, mon fils, que cela ne fasse que commencer. »

De son côté, Anijia fêtait avec les autres, sans s’inquiéter d’une quelconque attaque. Née vampire, elle avait toujours envié les autres, ceux qui ne devaient pas vivre dans les bois, ni se cacher à toute heure du jour et de la nuit. Métamorphes, elfes, démon – tous profitaient d’une liberté dont ils ne réalisaient pas la valeur.

À présent, elle en goûtait enfin la saveur. Bien sûr, moins de chasses ne signifiait pas grand-chose. Les ska continuaient d’être vus comme des parasites par les autres créatures… mais ce pas en avant restait un soulagement intense pour eux tous.

« Anijia ? »

La jeune femme s’approcha de Shön et Ymesh qui l’interpellaient.

« Oui ?

— Nous partons. »

Elle s’arrêta presque de sourire, surprise, et les dévisagea. Elle avait du mal à comprendre Shön, qui se plaignait depuis que Ketosaï avait pris la situation en main. Il aurait dû être aussi ravi qu’elle ; lui aussi avait souffert de leur vie de bohème, même s’il s’y était fait. Shön était de l’étoffe dont on faisait les plus grands seigneurs. Il ne méritait pas d’être ainsi apatride.

Ymesh était encore moins compréhensible : lui avait connu le confort. Comment pouvait-il endurer le secret et la peur ? Peut-être était-ce vraiment par amour pour l’aventure qu’il avait suivi leur maître… difficile à concevoir.

« Très bien, je ne vous retiens pas », déclara-t-elle, le menton haut.

Elle leur en voulait de partir, elle regretterait leur compagnie, oui – mais pas question de déjà abandonner le confort si durement acquis. À Ijishia, au moins, elle avait une maison, même si celle-ci se déplaçait.

Shön acquiesça.

« Tu sais te débrouiller seule et Shean sera présent pour toi, si tu en as besoin.

— Je saurai me débrouiller. Vous repasserez ? demanda-t-elle avec une pointe de remord.

— Bien sûr ! s’exclama Ymesh. Mais tu es sûre de ne pas vouloir venir ? Ne pas rester avec nous ? »

Anijia rit un peu devant son air suppliant. Dire qu’il était né elfe ! Il ne faisait pas du tout montre de leur fameuse retenue.

« Non, ma décision est prise. »

Elle ne comptait pas suivre un homme dont elle ne partageait plus les idéaux.

« Très bien. Dans ce cas, au revoir… »

Ymesh la serra dans ses bras avant de se rapprocher de Shön et, avec un petit choc, Anijia réalisa qu’ils partaient immédiatement. Elle leur adressa un sourire crispé.

« Bonne route, alors. »

Shön lui serra la main, Ymesh la serra à nouveau, et ils partirent – comme ça, sans un mot de plus. Elle sentit son cœur se serrer en les voyant s’éloigner, et pourtant ;leur vie à trois semblait déjà loin.

« Occupe-toi de Ketjiko ! lui cria l’Infant de loin.

— Promis ! »

Ils disparurent trop rapidement. Shean lui sourit puis partit rejoindre sa tente, la laissant seule – seule avec Ijishia, avec tant d’autres ska, mais néanmoins sans compagnie aucune.

Eh bien, ne venait-elle pas de promettre qu’elle veillerait sur Ketjiko ?

Elle fit le tour du campement d’un pas décidé, puis fronça les sourcils. Elle n’avait vu ni Ketjiko ni Ketosaï. Songeant qu’ils avaient peut-être voulu s’éloigner du bruit, elle fit un rapide tour des environs – rien – puis revint au campement.

Les feux brûlaient toujours mais l’ambiance était devenue plus fébrile que festive.

« Anijia ? »

Elle leva les yeux vers celui qui l’avait interpellée, Wladek, un jeune homme charmant avec qui elle avait discuté longuement une heure auparavant. Alors, il était aussi pétri d’espoirs qu’elle. Pourquoi avait-il à présent cette lueur inquiète dans le regard ?

« Que se passe-t-il ?

— C’est Shean qui m’envoie… Tu sais par où Shön est parti ?

— Par la piste, comme n’importe qui de sensé.

— Je veux dire, quelle était sa destination ?

Elle secoua la tête, faisant voler ses longues mèches noires et lisses.

« Aucune idée. Pourquoi, il y a un problème ? »

Le jeune homme grimaça, sa bouche aux lèvres fines se tordant dans une parodie de sourire.

« Si on veut.

— Eh bien, je t’écoute ?

— C’est Ketosaï… »

Il leva ses yeux rouges vers elle, angoissés.

« Il a disparu. »

 

***

 

Les bureaux des archanges se trouvaient les uns à côté des autres, afin de se rassembler rapidement en cas de crise. Cette décision avait été prise en temps de paix, quand celles-ci se résumaient aux disputes et aux accidents. Lucifer fut heureux de s’être montré prévoyant lorsqu’un messager aux plumes ébouriffées déboula dans sa pièce de travail.

« Que se passe-t-il ?

— Laouen est attaquée ! »

L’archange en resta sous le choc. Attaquée ? Que voulait-il dire ? Son cerveau le rattrapa trop vite : pas par les démons, n’est-ce pas ?

« Que se passe-t-il ? demanda-t-il dans un murmure. Viens-tu de là ?

— J’ai volé d’une traite jusqu’ici. Votre Altesse, je vous en prie, aidez-nous ! »

Chamboulé, Lucifer ne put qu’attraper la main du messager et la serrer.

« Qui a donc…

— Les démons ! l’interrompit l’ange. Qui d’autre ? Oh, dépêchez-vous…

— Retourne à l’entrée de la ville, décida le Premier-né, réfléchissant à toute vitesse. Je vous rejoindrai sous peu, je dois prévenir les autres.

— Merci, je pars devant ! »

Le messager disparut aussi vite qu’il était arrivé. Lucifer se leva, chancelant, et appela les autres archanges d’une pulsation d’aura. Cette agitation anormale de sa magie ne manqua pas de les attirer et, en quelques instants seulement, ils se retrouvèrent devant lui, inquiets.

« Laouen subit en ce moment même une attaque des démons, déclara Lucifer après un instant de flottement. Nous devons prendre contact avec les archidémons, afin de…

— Prendre contact ? Ce sont eux qui nous attaquent ! l’interrompit Gabriel en se dirigeant immédiatement vers la porte. Des anges sont en train de mourir ! Ici, sur le sol même de l’Eden !

— Intervenir ne ferait qu’envenimer la situation », le retint Lucifer.

Raphaël se redressa, poings serrés et prêt à en découdre. Raguel posa une main sur l’épaule de son ami pour le calmer.

« Gabriel a raison, dit cependant l’archange du Feu. Nous ne pouvons pas abandonner les nôtres.

— Si nous les combattons encore, nous serons au-delà de toute possibilité de négociation…

— Nous le sommes déjà ! s’écria Saraqael, aussi furieux que les autres. Belzébuth a refusé de nous accorder à nouveau sa confiance. Il fait payer les anges pour l’insulte et les morts !

— Ce sont eux qui ont commencé… »

Saraqael interrompit d’un geste Raphaël, qui tentait de se justifier.

« La question n’est plus là. Ils se prétendent innocents. Le mal a été fait.

­— Pendant que nous parlons, des anges meurent, les pressa Gabriel. Trêve de conciliabules ! Discutez si vous voulez, je ne laisserai pas ce massacre se reproduire ! »

Il sortit de la pièce. La porte claqua derrière lui.

« Il ne peut pas faire ça, protesta Lucifer. Il va ruiner nos efforts. »

Raguel secoua la tête.

« Il mettra juste feu à un tas de ruine. Je déteste les combats… mais mes anges ne mourront pas loin de moi, sans mon aide. »

Des murmures approbateurs lui firent écho. Même Uriel, qui détestait toute forme de violence, refusait le statut quo. Lucifer baissa la tête. Que pouvait-il ajouter ?

« Très bien, je ne peux pas vous retenir. Mais je n’interviendrai pas. Je ne peux pas me résoudre à tuer des gens, surtout pas après le mal que nous avons déjà causé. »

Raguel lui adressa un sourire triste, loin de la jovialité dont il faisait preuve d’habitude, comme s’il en savait plus que lui. Puis, il ouvrit la porte et suivit le même chemin que Gabriel. Rémiel et Raphaël lui emboîtèrent le pas.

Uriel, elle, s’arrêta dans l’encadrement. Elle fit quelques pas en direction de Lucifer, puis se figea à nouveau, comme si parler était au-dessus de ses forces. Pour finir, elle secoua la tête et partit à son tour.

Saraqael et Lucifer échangèrent un long regard. L’archange du Soleil détourna les yeux en premier.

« Tu as raison. Bien sûr que tu as raison. Mais la morale, la justice, ce n’est pas tout. Moi non plus je ne veux pas me salir les mains… mais défendre l’Eden et les anges est notre rôle, n’est-ce pas ? »

Le Premier-né ne lui répondit pas et Saraqael passa une main nerveuse dans ses cheveux roux, faisant rebondir ses boucles dans tous les sens.

« Se taire et ne pas agir est une solution facile, Lucifer. N’oublie pas que le régent de l’Eden, c’est toi.

— Vous ne semblez pas vous en souvenir vous-mêmes, qui partez sus à l’ennemi malgré mes conseils !

— Ce ne sont pas des conseils que tu dois donner mais des ordres. Notre devoir est aussi de te faire savoir quand tu te trompes.

— Tu viens de dire que j’avais raison !

— D’un point de vue moral, peut-être, mais ce n’est plus la morale qui compte ! »

Ils se toisèrent à nouveau et, cette fois, les petits yeux de fouine de Saraqael ne se baissèrent pas. Lucifer serra les poings. Comment osait-il lui parler ainsi ? Comment pouvait-il ne pas comprendre, lui qui connaissait les démons ?

« Je leur ai dit de faire ce qu’ils voulaient, lâcha Lucifer, acide. Cela vaut pour toi aussi.

— Tu regretteras cette décision.

— J’en doute. »

Exaspéré, Saraqael leva les yeux au ciel.

« Très bien. Comme tu voudras. »

Et il suivit le même chemin que ses pairs, laissant derrière lui Lucifer. Seul. Comme au début de tout.

Une vague de nausée souleva l’estomac du Premier-né qui se précipita hors de la pièce. Il courut, un couloir succédant à l’autre, puis l’air du dehors lui sauta au visage et ce furent les rues et ruelles, les pavés et les hauts murs, puis enfin, la délivrance d’un lieu silencieux. Lucifer avait marché au hasard, ses pas le guidant vers la cathédrale – seul lieu où il pouvait, parfois, percevoir l’infime présence de Lyth.

Il leva les yeux vers les hautes voûtes qui s’envolaient, gracieuses, d’un mur à l’autre du bâtiment. Les dorures et les peintures avaient été effectuées avec le plus grand soin. L’esthétique de l’endroit était remarquable.

D’un coup, ces considérations parurent terriblement futiles à l’archange qui se mit à rire.

« Es-Tu vraiment là, à nous regarder ? demanda-t-il au vide. T’amuses-Tu de l’embarras dans lequel Tu nous as laissés ? Toi qui étais si sûr que nous pourrions faire face… Que je serais capable de Te remplacer à la tête des anges… Tu dois être bien déçu ! »

Il secoua la tête, désespéré et amer.

« À moins que Tu ne ries de nous voir nous débattre, nous, Tes pantins. Tu as si bien décidé de notre avenir que nous suivons Ta voie malgré nous… »

Ces derniers mots avaient été prononcés d’une voix basse, douloureux. Un frisson le secoua. Quel imbécile, se tenir là en parlant au vide. Comme si Lyth pouvait lui répondre !

Alors que Lucifer baissait la tête, vaincu, il entendit un glissement discret sur le sol ciré. Il ferma les yeux pour faire savoir à l’intrus qu’il voulait rester seul mais celui-ci n’en tint pas compte et s’approcha.

« Maître… »

La voix, jeune et douce, le fit tressaillir. Il la reconnaîtrait entre mille. Était-ce la réponse de son Seigneur ? Ou lui jouait-Il un nouveau tour ?

« Que veux-tu, Michaël ?

— Je suis désolé de vous déranger, Votre Altesse, mais j’ai appris votre décision au sujet de ce qui se passe à Laouen…

— Et tu la réprouves, toi aussi ? »

Pas de réponse. Lucifer visualisa mentalement son disciple qui détournait les yeux. Il se leva, rouvrant les yeux ; en effet, le Prince-ange fixait le sol. Le Premier-né soupira.

« Tu as le droit de me critiquer. Ma parole n’est pas celle de Lyth.

— Vous êtes mon maître, l’archange de mon clan, mon tuteur…

— Ce qui ne veut pas dire que tu dois penser comme moi. Parle. Viens-tu me demander de changer d’avis ?

— Pas tout à fait. »

Le jeune homme releva les yeux et Lucifer fut frappé par la détermination qu’il y lut. Il avait bien grandi, l’enfant qu’il avait pris sous son aile, le petit garçon qui avait du mal avec ses pouvoirs trop grands. Il était devenu adulte, trop vite peut-être, et un véritable Prince de l’Eden.

« Je t’écoute ? demanda le Premier-né d’un ton presque tendre, presque paternel.

— Je ne peux pas vous dire d’aller à l’encontre de vos principes et encore moins de tuer, fût-ce pour l’Eden. Mais, Votre Altesse, notre clan ne peut pas rester en dehors de ces évènements. »

Lucifer fronça les sourcils, mais Michaël continuait, déterminé :

« Les anges de Lumière ne peuvent pas être les seuls absents ! Pas alors que nos pairs meurent, pas alors qu’ils luttent contre les enfants de Sei !

— Que proposes-tu ? »

Michaël posa un genou à terre et Lucifer recula précipitamment. Le geste était noble, mais comment ne pas être mal à l’aise ? Lui-même ne s’était incliné ainsi que devant Lyth, il ne se sentait pas digne de cet honneur.

« Laissez-moi mener les nôtres, Votre Altesse, déclara le jeune homme. Laissez-moi mener notre clan en votre absence. Ainsi, notre honneur sera sauf et vous pourrez vous présenter aux démons comme exempt de tout crime ! »

Lucifer se prit à sourire devant tant de conviction. Il avait l’impression de se retrouver face à lui-même en plus jeune, plein d’idéaux, déterminé à ne vivre que pour la justice et à toujours faire de son mieux. N’était-ce pas encore ce qu’il voulait encore aujourd’hui ?

Il avança et posa une main dans les cheveux noirs de son disciple.

« Relève-toi, Michaël. Entre tous, tu es le dernier qui devrait t’incliner devant moi. »

Le Prince-ange rougit et se redressa.

« Je t’ai entendu, continua Lucifer, et je te remercie. Tu es le seul à avoir eu cette réflexion. J’ai été égoïste de ne pas y songer moi-même… mais comment aurais-je pu imposer à qui que ce soit ce que je ne supporte pas moi-même ?

— Vous n’obligez personne… !

— Je sais. C’est pour cela que je vais te donner mon accord. »

Michaël s’éclaira. Le Premier-né, lui, était sombre.

« N’oublie pas cependant ce que tu t’apprêtes à faire, mon fils. Retirer sa vie à autrui, quelle qu’en soit la raison, n’est jamais un plaisir.

— Je ne me permettrais pas de penser autrement, maître, approuva le jeune homme. Et je m’engage à faire en sorte qu’aucun des anges de notre clan ne commette de dérives. »

Lucifer hocha la tête.

« Va. J’ai confiance en toi. »

Michaël s’inclina une dernière fois, les yeux brillants, avant de se précipiter dehors. En le regardant partir, Lucifer sentit son cœur se serrer. Que ses pairs fassent ce qu’ils veulent : ils étaient archanges comme lui. Mais là, il venait d’envoyer un innocent au combat, et c’était un geste qu’il ne pourrait jamais inverser.

 

Table des matières - Chapitre suivant >