Chroniques d'un cycle : Les Enfants de Lyth

Chapitre 4

« Lumière a été créé par le Seigneur Lyth À partir de sa propre essence, quand Ténèbres est né, car l’équilibre avait été rompu. Son niveau d’abstraction est plus fort que celui d’un élément secondaire, ce qui explique pourquoi il n’est pas classé dans les éléments-servants du Seigneur Lyth. »

- Livre des savoirs, laissé par Lyth dans la bibliothèque originelle d’Alun Hevel -

La moyenne académique des anges de Vent avait augmenté d’un point pour la troisième année consécutive : Uriel pouvait être fière de son clan. Ses anges étaient parmi les plus calmes et les plus studieux, juste après ceux de Saraqael, qui restait l’Archiviste de l’Eden.

Cependant, Uriel ne parvenait pas À s’en réjouir. Les lettres dansaient devant ses yeux, rendues troubles par son inquiétude. Elle ne parvenait qu’À songer À la Descente de Lucifer, prévue pour l’après-midi même. Qui savait ce que le Premier-né rencontrerait en Bas ? Quels dangers il allait courir ? Comment parviendrait-il À Remonter s’il lui arrivait quoi que ce soit ?

Soudain, une terrible douleur lui frappa une aile – elle cria – et un autre coup touchait déjÀ son genou. Haletante, elle accueillit pourtant cette distraction avec soulagement.

« Vehuiah ! appela-t-elle. Va chercher un guérisseur, je crois qu’un enfant est tombé dans le jardin.

— À vos ordres, Votre Altesse ! » répondit sa secrétaire qui courait déjÀ.

L’archange du Vent se leva pour boitiller vers la fenêtre, qu’elle ouvrit en grand. Les émotions qu’elle avait ressenties ne l’avaient pas trompée : un angelot gisait au pied d’un arbre, une aile tordue et le genou écorché. Douée du don d’empathie, Uriel ressentait ses sentiments aussi fort que s’ils lui appartenaient.

« Ne t’en fais pas, un guérisseur arrive ! » le rassura-t-elle.

Mais l’enfant continuait d’avoir peur et de pleurer, perdu, effrayé par la douleur. Elle n’hésita plus et, écartant le pan de tissu qui se rabattait sur son dos, elle déploya ses ailes et s’envola pour le rejoindre.

« Tout va bien, murmura-t-elle en émettant chaleur et protection. Je suis lÀ.

— Ça fait mal ! sanglotait le petit. Vraiment mal ! »

Elle n’osa pas l’enlacer : elle risquait de le faire souffrir si son aile bougeait. Elle posa néanmoins une main sur son front.

« Sois courageux. Dans quelques minutes, tu seras comme neuf. »

Le garÇon hocha la tête bravement et elle sourit. Le guérisseur arriva comme promis et utilisa sa magie pour soigner l’enfant en quelques instants ; tel était l’un des deux dons accordés aux anges de Gabriel.

« Merci, dit Uriel.

— Ne me remerciez pas, Votre Altesse, c’est mon travail. Je vais emmener cet enfant À l’infirmerie si vous voulez bien, pour inspecter son aile.

— Ne le grondez pas trop…

— Sa douleur s’en est chargée pour moi. »

L’archange du Vent rit et les laissa partir. En les regardant s’éloigner, le terrible pressentiment qui l’avait taraudée toute la matinée lui revint.

Elle avait besoin de parler À Lucifer.

« Vehuiah, pourrais-tu clôturer nos dossiers pour moi ? demanda-t-elle À sa secrétaire, qui était revenue avec le guérisseur.

— Bien sûr, Votre Altesse. Vous les signerez demain. »

Uriel hocha la tête et partit immédiatement vers le bureau de Lucifer. Elle ne courut pas dans les couloirs, pour ne pas inquiéter les anges, mais marcha de son pas le plus rapide, pour enfin arriver, ouvrir la porte… et trouver la pièce vide.

Elle retint une exclamation d’effroi. Où pouvait-il être ? Du calme. Peut-être se préparait-il depuis chez lui…

Maîtrisant sa panique, elle s’envola vers le quartier résidentiel. Le ciel d’Alun Hevel était vide : seuls les messagers et les anges de haut rang avaient le droit de survoler la ville, pour éviter le désordre. Elle arriva chez Lucifer en peu de temps, mais avant même de frapper À sa porte son empathie lui confirma ses craintes : il ne se trouvait pas lÀ non plus.

« Seigneur Lyth, où est-il donc parti ? »

Uriel inspira. Il ne pouvait pas être loin. Pour se rassurer, elle trouva cet endroit au fond de son ventre où se trouvait son lien vers l’Eden, qui pulsait au rythme des battements de son cœur. Elle le remonta, émerveillée par la majesté du monde de Lyth avait créé, puis trouva les six autres personnes qui y étaient attachées de même : Saraqael, Raguel, Rémiel, Gabriel et Raphaël, qui se trouvaient À Alun Hevel, et Lucifer…

Lucifer se trouvait deux Cercles plus Bas, mais toujours sain et sauf en Eden. Il n’était pas parti en avance.

Uriel hésita. Son inquiétude demeurait et elle ne voyait qu’une seule manière de la soulager. Cependant, elle détestait l’idée de le déranger…

Elle regarda dans la direction des bureaux administratifs. Son pressentiment revint, plus fort encore : elle devait y aller. Elle se dirigea vers la sortie de la ville et, dès qu’elle fut À l’extérieur, elle ouvrit un Portail et s’y engouffra pour Descendre rejoindre son presque-frère.

Elle trouva celui-ci assis sur une colline, le dos contre un arbre : il regardait le paysage en souriant, appréciant l’odeur de l’herbe et le chant des oiseaux. « Uriel ? s’étonna-t-il en la voyant. Que se passe-t-il ? »

Un soulagement énorme envahit l’archange du Vent. Il allait bien. Elle avait rêvé ce mauvais augure, aveuglée par son inquiétude.

« Rien, je me suis comportée comme une idiote. Mais toi, que fais-tu lÀ ?

— Je voulais m’imprégner de l’Eden avant de partir.

— N’utilise pas un terme si définitif… »

Lucifer sourit.

« Ne t’inquiètes pas. Je suis sûr que je ne crains rien. »

Il lui fit signe de s’asseoir près de lui et la jeune femme obéit, scrutant les traits du Premier-né. Elle l’avait rarement vu si détendu.

« Visiter l’Eden me détend, avoua-t-il sans honte. Nous faisons partie de ce monde, intimement, et le parcourir me permet de mieux me connaître moi-même, de mieux vous connaître vous… mais aussi de me rapprocher de Notre Seigneur. »

Il montra le panorama autour d’eux.

« L’Eden n’est-il pas superbe ?

— Si, confirma Uriel. Grâce À toi.

— C'est notre Seigneur qu’il faut remercier, c'est Lui qui nous a faits tels que nous sommes. »

Elle perÇut un doute dans ces paroles, vite chassé.

« L’Eden ne se réduit pas À ses paysages. Il est aussi À Alun Hevel et en chacun des anges… »

Lucifer rougit, À sa grande surprise.

« J’ai parfois du mal À tolérer les contraintes de notre capitale, aussi belle soit-elle… Ses murs me rappellent mes responsabilités. Pas que je les dédaigne ! »

Uriel posa une main sur son genou.

« Tu prends vraiment À cœur les responsabilités que notre maître t’a attribuées, n’est-ce pas ?

— Bien sûr ! Je ne me permettrais jamais d’oublier l’importance de ma tâche !

— Parce que Notre Seigneur te l’a attribuée ? » demanda-t-elle.

Il la dévisagea, surpris par sa méfiance.

« Non. J’ai vu ce monde vierge, j’ai vu les anges naître, même toi, Uriel. Je fais partie de l’Eden et j’y connais ma place. »

Uriel ferma les yeux pour mieux goûter aux émotions de Lucifer : sincérité, épanouissement, chaleur. Il aimait l’Eden et les anges. Jamais il ne les trahirait.

« Excuse-moi, j’imagine que j’avais besoin d’être rassurée, avoua-t-elle en rouvrant les yeux.

— Tu es toute pardonnée.

— Promets-moi de rester tel que tu es, de ne pas changer », osa-t-elle demander.

Lucifer sourit et traÇa la Croix de Lyth sur son cœur.

« Promis. »

Ils rentrèrent ensemble À Alun Hevel, où Lucifer termina ses préparatifs À la Descente. Les autres archanges se rassemblèrent au moment de son départ ; il les rassura un par un. Puis, lorsqu’il fut prêt, il partit, sans crainte aucune, rassuré par la présence de l’ession qui veillait sur lui.

Il Traversa chacun des quatorze Cercles de l’Eden, du plus Haut où se trouvant Alun Hevel au plus Bas et, arrivé au dernier, il sortit enfin de son monde pour entrer dans le Cercle intermédiaire qui séparait son monde des Abysses : l’Univers.

Le paysage le surprit par sa familiarité. De hautes herbes ondulaient sous le vent, des montagnes majestueuses se détachaient À l’horizon sur un ciel d’un bleu changeant. Une nouveauté attira son regard : Elvion, la Lune, affichait un pâle croissant entre les nuages.

« Donc, voici l’astre qui sert Sei, chuchota l’archange en la fixant avec intensité. Celui qui lie les Cercles des Abysses entre eux pour qu’ils ne dérivent pas. »

Il la trouvait fade À côté d’Essiah, l’astre resplendissant qui servait Lyth, mais il n’ignorait pas qu’elle devait avoir une force égale. Il s’imprégna de sa présence, conscient d’être arrivé À une étape importante de son voyage, puis Traversa vers le Cercle suivant – le premier des Abysses.

Les démons vivant plus Bas, seuls les elfes et les dragons y habitaient. Lucifer les observa de loin, puis évita les uns comme les autres pour admirer les différences entre ce monde et l’Eden sans être dérangé. Elles étaient subtiles, mais elles s’accentuaient au fur et À mesure de sa Descente.

Petit À petit, la lumière d’Essiah diminuait, les montagnes se faisant plus hautes et les températures plus extrêmes ; les arbres et les fleurs ne poussaient qu’imprégnés de magie et Lucifer percevait le souffle rauque de bêtes féroces, bien plus dangereuses que celles de l’Eden.

Vint la nuit. L’archange put constater la pâleur des étoiles, moins nombreuses qu’en Haut. Par contre, victorieuse, la Lune brillait de sa lumière bleutée, caressant de ses rayons le paysage aride des Abysses.

Peut-être À cause de sa curiosité ou de ses doutes, Lucifer se prit À les aimer.

Au lieu de se reposer, il joua avec la lumière froide de la Lune, si différente de celle qu’il représentait. Profitant de son statut de quasi-immortel, il taquina des créatures aux yeux de braise et À l’haleine fétide, les tourmentant jusqu’À ce qu’elles le poursuivent, se faisant érafler jusqu’au sang, riant aux éclats, s’envolant de toute l’envergure de ses six ailes d’archange pour leur échapper. C’était un monde de fous, un monde de rêve et de cauchemar, où il n’avait pas À se soucier du poids de son titre ou de ses responsabilités, ni du regard de ses pairs ou d’un élément exigeant.

Glissant dans la nuit comme si elle était sienne, Lucifer se remit À goûter À cette liberté des premiers jours, quand il n’y avait que lui et son maître ; peut-être même À une liberté plus grande car il se trouvait seul.

Il ne s’arrêta qu’À l’aube, alors qu’Essiah reprenait les rares droits qui lui revenaient dans ce monde, et se roula en boule entre les racines d’un arbre titanesque, ses ailes repliées dans son dos. Il ne se réveilla que l’après-midi pour reprendre sa route, le front clair et les épaules détendues, prêt À affronter ces fameux démons contre lesquels tous l’avaient mis en garde.

Il remarqua alors qu’il n’était plus seul. Un étrange personnage l’observait, debout À quelques pas de lui. Lucifer rougit devant l’intensité de son regard mais soutint celui-ci, déterminé, et se leva.

L’homme possédait une paire d’ailes, repliées derrière lui, mais celles-ci n’étaient pas dotées de plumes. Il s’agissait d’ailes de peau, comme celles des chauves-souris. De plus, un étrange tatouage noir courrait sur sa peau. De plus en plus intrigué, l’archange effleura de ses sens la magie de cet observateur silencieux. Il tressaillit. La puissante aura de Lune qu’il percevait ne pouvait pas appartenir À un simple démon. Mêlée À la magie, une pulsation sourde retentissait, trouvant son écho dans les Abysses.

Un archidémon.

Sans hésiter, le Premier-né s’approcha de lui, un sourire poli aux lèvres. Il cacha le léger tremblement de ses mains dans les pans de sa tunique et, rassemblant son courage, engagea le dialogue :

« Bonjour, je m’appelle Lucifer et je suis un archange. »

Le démon s’inclina très bas dans un mouvement gracieux.

« Bonjour, bel ange. Mon nom est Bélial. »

Le silence revint alors qu’ils se contemplaient. Lucifer n’aurait jamais songé que les démons leurs ressemblent tant : Bélial possédait deux jambes, deux bras et un torse, deux ailes et une tête. Bien sûr, ses vêtements lui paraissaient étranges et son aura dénotait ; bien sûr ses ailes n’étaient pas de plumes mais de peau. Cependant, il ne ressemblait pas À un monstre.

« J’espère n’avoir froissé personne en Descendant sans invitation ?

— Mon maître Belzébuth, le seigneur des Abysses, est plutôt flatté de votre intérêt. Il m’envoie pour vous enseigner nos coutumes, si cela vous sied.

— J’en serais ravi, s’exclama Lucifer.

— Dans ce cas, veuillez me suivre. L’un de mes villages se situe un peu plus bas sur la plaine. Vous pourrez y rencontrer d’autres démons et voir de vos propres yeux comment se déroule leur vie de tous les jours. »

L’archange de la Lumière lui sourit pour le remercier de ses attentions. Il vit Bélial ciller et se demanda s’il l’avait blessé d’une manière ou d’une autre. Cependant, l’archidémon d’Elvion se reprit sans mot dire pour l’entraîner auprès des siens.

***

Ymesh gravissait une colline derrière son maître, tourmenté par de sombres pensées. Lui et Shön avaient visité leur cabane ensemble ; celle-ci avait été ravagée par les démons, sans y trouver aucune trace d’Anijia. Le toit frêle balayé par une décharge de magie et leurs maigres possessions éparpillées À tout va. Les objets les plus fragiles gisaient, brisés, et leurs meubles solides avaient pour la plupart été renversés par le combat.

Puisqu’aucun indice ne prouvait que la jeune femme ait été enlevée par les démons et qu’elle ne semblait pas s’être cachée dans les environs, ils avaient décidé de se rendre au seul autre endroit où ils auraient une chance de la trouver : À Ijishia, la cité mobile.

« Nous y sommes. »

Surpris, Ymesh scruta l’horizon sans rien remarquer d’insolite, puis songea À étendre ses perceptions À la magie. Alors seulement il réalisa qu’en effet, un village se trouvait derrière la colline. Il percevait un grand nombre d’êtres dotés de la magie du Sang : ils avaient trouvé la cité mobile.

Ils arrivèrent au sommet et la vue déÇut Ymesh de beaucoup. Il aurait dû s’y attendre : puisqu’Ijishia pouvait se déplacer À tout moment, la ville ne possédait aucun bâtiment définitif et les tentes étaient de rigueur. Les vampires – terme invité par les démons et accepté par tout un chacun, quoi qu’avec un peu d’ironie – n’étaient qu’un peuple de nomades, sans grande richesse. Un peuple de parasites qui se cachaient, tout le contraire des elfes.

Ils descendirent la pente pour arriver aux premières tentes. Les sentinelles les laissèrent passer et Ymesh supposa qu’elles reconnaissaient Shön ou, plus simplement, qu’elles avaient sondé leur aura et reconnu deux des leurs.

Il observa les autres ska, aussi pauvres que la ville : ils ne portaient ni soie ni bijoux. évidemment, comme ils vivaient surtout dans les bois, cela n’avait rien de surprenant. Ymesh avait tout de même rêvé d’un plus bel endroit, surtout après avoir vécu À Altayn dans son enfance. Le royaume des elfes d’Hedyrn, dont elle était la capitale, était l’un des pays elfiques les plus prospères et nombre de bâtiments étaient faits de grosses pierres sculptées et peints de dorures.

Pour une race que n’importe qui pouvait adopter, il y avait une forte tendance aux cheveux sombres, remarqua Ymesh : les mèches presque blanches de Shön détonnaient. Par ailleurs, la plupart avaient un visage pâle de vivre cachés.

Le jeune homme passa une main dans ses cheveux sombres. Chez les elfes, ceux-ci lui avaient valu le mépris de ses pairs.

« Où allons-nous, maître ? demanda-t-il, brisant le silence.

— Rendre hommage au Sire d’Ijishia. Les gens de notre race n’ont que rarement mainmise sur des terres ; n’oublie jamais de présenter tes respects au maître des lieux quand tu t’aventures sur le territoire d’un autre ska. »

Le jeune homme acquiesÇa, en se demandant qui pouvait posséder une ville si étrange. Comme s’il lisait dans ses pensées, Shön reprit :

« Shean contrôle la Glace au même niveau que moi. J’ai perÇu sa présence en arrivant, il devrait nous accueillir.

— Vous le connaissez ? »

Shön ne répondit pas. Comprenant que les leÇons du jour étaient terminées, Ymesh n’insista pas et attendit impatiemment de rencontrer le Sire.

Une fois arrivé devant la tente de Shean, pourtant, il fut déÇu À nouveau : les serviteurs refusèrent de le laisser entrer. Shön lui fit signe de s’asseoir dans l’antichambre et de patienter.

« Vous n’avez rien contre le fait qu’il entende notre conversation, n’est-ce pas ? » demanda-t-il en désignant la paroi de tissu qui séparait cette pièce de la tente proprement dite.

Les serviteurs s’interrogèrent du regard, puis secouèrent la tête.

« Nous protégeons juste maître Shean. Nous savons que vous ne lui voudriez jamais de mal, Seigneur Shön, mais votre compagnon…

— Soit, les interrompit le maître des Glaces, je verrai cela avec Shean lui-même. »

Ils s’inclinèrent en le laissant passer, alors qu’Ymesh se laissait tomber sur un coussin. Au moins, il avait de quoi s’occuper : la tente ne payait pas de mine vue de l’extérieur, mais il en allait autrement de l’intérieur. Brodés d’or, les lourds tissus pourpres et carmins reflétaient paresseusement la lueur des bougies, comme des trésors qui refuseraient de se montrer dans toute leur splendeur. Le mobilier de bois sculpté était visiblement de valeur et les tapis qui couvraient portaient des motifs entrelacés.

À côté, il entendit un bruit mat. Les deux hommes s’étreignaient. étaient-ils si proches que Ça ?

« Des années depuis la dernière fois ! s’exclama une voix inconnue. Toi qui m’avais promis de revenir plus souvent…

— J’ai eu quelques contretemps, siffla Shön. Et malheureusement, je suis de retour durant une triste période.

— En effet… Je me doute que ce n’est pas la courtoisie qui t’amène, bien que cela aurait dû être le cas ! J’ai avec moi un pichet de sang frais, À peine prélevé, que je serais ravi de partager avant qu’il ne soit plus consommable. »

Ymesh tendit l’oreille. Un froissement de tissu, un bruit de liquide versé ; l’odeur du sang froid lui chatouilla les narines. Son estomac grogna de faim. « Tu as des proies ici ? demanda Shön, intrigué.

— Oui, des démons ou des métamorphes qui ont accepté de nous suivre, moyennant une prise de sang quotidienne. La plupart du temps, ce sont des parias À leur propre race, mais parfois aussi des jeunes en quête d’aventure. »

Ymesh rougit. Lui-même aurait accepté cette proposition sans hésiter, À son époque.

« Avec tous les problèmes que nous posent les démons, continuait Shean, il m’a semblé plus judicieux de réduire le nombre de chasses.

— Un Calice n’aurait-il pas été plus indiqué ?

–— Je n’ai aucune envie de m’exposer À la dépendance que nous encourrons lorsque nous nous nourrissons trop souvent sur la même personne. Les proies qui vivent ici sont assez nombreuses pour diluer les risques, surtout que nous ne les mordons pas mais prélevons le sang que nous buvons dans des verres. Certes, le meilleur du goût est perdu, mais je préfère un repas frugal À un festin empoisonné.

— Je n’aurais pas apprécié que tu te lies, de toute faÇon, intervint une troisième voix, féminine cette fois.

— Aussi, bien sûr », confirma Shean tout naturellement.

La tendresse contenue dans son ton fit ciller Ymesh. Les vampires tendaient À cacher leurs sentiments, À ne jamais s’attacher, À vivre seuls. Shön représentait l’exception À cette norme Apparemment, le maître d’Ijishia en était une autre ; Ymesh se consumait de curiosité.

« Très chère Eshalia, je ne doutais pas un instant de la fidélité de Shean À votre égard.

— J’en suis certaine, dit la femme avec chaleur. Combien de temps resteras-tu cette fois ?

— Quelques jours sans doute, peut-être plusieurs semaines. J’ai besoin de repos. De plus, nous attendons quelqu’un.

— Tu es venu accompagné ?

— Tes serviteurs ont refusé de laisser Ymesh entrer. »

Il y eut un sifflement contrarié puis un claquement de langue. Le rideau qui séparait les deux pièces fut tiré et une superbe vampire blonde apparut.

« Bonjour, je suis Eshalia, la compagne de Shean. Accepterais-tu de nous pardonner pour t’avoir si rudement éconduit ? Un verre de sang t’attend À côté. »

Ymesh vira À l’écarlate en voyant une si charmante dame lui présenter ses excuses, et il se dépêcha de se lever, s’inclinant avec maladresse.

« Il n’y a aucun mal, dame Eshalia. »

La ska sourit et l’entraîna dans la pièce principale, une salle agréable éclairée par des lanternes. Le jeune elfe se retrouva avec un verre de sang dans les mains, dont il savoura l’odeur un moment avant d’enfin en boire une gorgée. Il était délicieux, bien que tiède ; leur hôte les recevait comme des invités de marque.

« Tu ne nous présentes pas ? »

Ymesh leva enfin le nez vers son hôte, embarrassé de s’être monté malpoli – il avait si faim ! – et il ne put retenir un mouvement de recul, surpris. Bien qu’il ne l’ait jamais vu, les traits du nouveau venu lui étaient familiers : ils étaient identiques À ceux de Shön.

Stupéfait, le jeune homme le détailla du regard sans se soucier de son insolence. Shean avait les mêmes cheveux fins et longs, bien qu’ils soient châtain foncé plutôt que blonds, le même menton impérieux, la même stature imposante, le port fier et droit. Ses iris, cependant, étaient rouges : un sang-pur.

Shön se permit un sourire amusé.

« Je te présente Ymesh, mon Infant. Il est l’une des raisons de mon absence prolongée. »

Puis, se tournant vers le jeune homme, il compléta les présentations :

« Voici Shean, seigneur d’Ijishia. Mon fils. »

Reprenant ses esprits, Ymesh croisa les bras, feignant la colère.

« Vous vous êtes bien moqué de moi ! Vous auriez pu me prévenir !

— Je m’en serais voulu de manquer ton expression dans un moment pareil », répliqua Shön, pince-sans-rire.

C’était bien le moment de prouver qu’il avait un sens de l’humour !

De son côté, Shean l’observa d’un regard critique. La chaleur qu’Ymesh avait entendue dans sa voix avait disparu ; il semblait même plutôt en colère.

« Ton Infant, donc ?

— Ne commence pas », le coupa Shön avec un froncement de sourcils.

Eshalia sourit, réveillant des petits papillons dans le ventre du jeune elfe.

« C’est votre premier ?

— En effet. Je n’ai pas pour habitude de créer des ska À tort et À travers.

— Jusqu’ici », commenta froidement Shean.

Le père et le fils s’affrontèrent du regard et, encore une fois, Eshalia intervint :

« Vous êtes les bienvenus pour aussi longtemps que vous le souhaitez. Nos serviteurs doivent avoir préparé vos lits… Ton voyage a dû te fatiguer, Shön. Nous pourrons reprendre cette conversation demain… »

Aussitôt, Shean eut l’air contrit.

« Cela fait si longtemps que nous ne nous sommes pas vus… Je t’en prie, reste encore un peu. »

Shön sourit et la tension disparut. Ymesh reposa son verre et décida sagement de se taire dans son coin alors que les adultes se remettaient À discuter.

Eshalia se coucha tôt, mais Shön et Shean parlèrent jusque tard dans la nuit, de politique et de souvenirs, des démons et de la cité mobile. Ymesh renonÇa vite À intervenir dans la conversation et se roula en boule sur les coussins, la tête sur une cuisse de son maître. Il surprit le regard désapprobateur du seigneur d’Ijishia et resta lÀ par pur esprit de contradiction, somnolant À demi en les écoutant.

« Tu m’as déjÀ parlé de Ketosaï. Le contacter n’est pas une bonne idée.

— Je sais, mais les démons continuent de chasser les ska. Or, leurs villes restent notre principale source de nourriture. Les animaux ne suffisent pas longtemps. Peu d’entre nous Montent jusque chez les elfes.

— Tu l’as fait.

— Pour négocier tes accords commerciaux. Je n’en ai pas profité pour me nourrir sur la population locale, en dehors d’Ymesh. »

Le jeune homme releva le nez À son nom, mais comprenant que celui-ci avait juste été mentionné en passant, il se réinstalla.

« C’eut été mal vu.

— Parce qu’emmener ce gamin était acceptable ? »

Une certaine colère transparaissait dans le commentaire de Shean, À la surprise d’Ymesh qui écoutait À présent de toutes ses oreilles pointues.

« Il me l’a demandé et sa famille semblait ravie de s’en défaire, répondit Shön sans se formaliser. Je ne leur ai pas donné de détails sur notre relation. »

Cela ne satisfit pas le Sire de la ville, mais il n’insista pas. Apparemment, son âge seul posait problème ; l’elfe n’était qu’adolescent quand il avait suivi Shön et, même si celui-ci avait attendu plusieurs années pour sa transformation en vampire, il n’avait que dix-sept ans lors de celle-ci.

« Quoiqu’il en soit, concernant Ketosaï, nous n’avons pas le choix. Je ne connais pas les autres jhliska et quelque part, je doute qu’ils valent mieux que lui. — Tu sais où le trouver ?

— J’en ai une bonne idée, oui. »

La conversation se tarit. Dehors, seul retentissaient le crépitement d’un feu et le bruissement des feuilles d’arbre.

« J’espère que notre problème avec les démons se résoudra rapidement, dit Shean. Beaucoup de gens se sont réfugiés À Ijishia après avoir vu leur famille se faire décimer… mais beaucoup d’autres ont fui, n’osant plus s’afficher dans une ville, même mobile. Certains prétendent que les démons sont au courant de son existence.

— Ils ne sont pas incompétents, bien sûr qu’ils connaissent Ijishia. Ne fais pas cette tête ; l’une des archidémones a des pouvoirs mentaux. Si elle ne sait pas lire dans la tête des captifs, elle ne mérite pas son titre. »

Une douce odeur de sang, des tintements de métal. Les deux hommes se resservaient À boire.

« En dehors de ces problèmes, comment se porte Eshalia ?

— Elle s’est remise des insultes que tu lui as servies la dernière fois.

— Des insultes ? Je n’ai fait que lui donner des conseils…

— Alors disons que, contrairement À toi, elle a repris ses esprits et a cessé de s’indigner pour si peu ? »

La discussion se faisait amicale et les sifflements devinrent. Rassuré par cet environnement protégé, Ymesh sombra dans le sommeil en écoutant le doux bourdonnement de la voix de son maître.

***

Lucifer respirait l’air frais de la nuit, se remettant d’une épuisante journée. Les démons du village où l’avait entraîné Bélial l’avaient accueilli avec chaleur et s’étaient amusés de son incapacité À bander un arc. Les enfants les plus jeunes lui avaient montré comment s’y prendre sans qu’il parvienne À suivre leurs instructions. De faÇon surprenante, cela l’avait aidé À s’intégrer : un enfant de Lyth, même archange, ne leur paraissait plus si impressionnant une fois établi son manque de savoir-faire dans un domaine si élémentaire.

Il sourit secrètement et observa Elvion, la Lune. Cet astre qui n’existait pas chez lui le fascinait, avec sa lumière froide et attirante. Les étoiles, elles, étaient pâles dans ce Cercle profond des Abysses, presque invisibles.

Un calme nocturne planait sur le village, bien que tous ses habitants ne dorment pas. Certains démons s’étaient rejoints dans l’intimité de leur logement pour commettre cet acte interdit par les lois angéliques en dehors des liens sacrés du mariage. Lucifer rougit malgré lui. Gabriel les aurait trouvés répugnants. Les rues étaient presque vides mais il sentait la présence de Bélial derrière lui qui veillait, attentif.

« Trois jours, je vous ai observés et j’ai vécu parmi vous, déclara Lucifer. Il est temps pour moi de regagner l’Eden.

— Nous reviendras-tu ? »

Lucifer se tourna vers lui pour lui sourire.

« Si je suis le bienvenu, je reviendrai avec plaisir. »

Bélial s’approcha de lui et saisit sa main, son regard verrouillé sur celui de l’archange.

« Alors reviens.

— Es-tu certain que tes pairs sont de ton avis ? »

Lucifer n’avait osé mentionner les autres archidémons auparavant, comme si cela risquait de les faire apparaître. Il aurait perdu beaucoup de son assurance alors, face À eux sept plutôt qu’un seul.

Bélial, cependant, se contenta de sourire.

« J’ai été envoyé pour juger de tes intentions. Belzébuth s’en remettra À moi.

— Belzébuth… Voudra-t-il me rencontrer ?

— Non, refusa Bélial tout net. Il m’a chargé des relations avec les anges, si ceux-ci venaient À Descendre. Inutile que tu te rendes dans notre capitale. »

Le Premier-né fut surpris de la véhémence de sa réaction, mais ne s’en offusqua pas. À la place, il s’inclina À la faÇon des démons, puis se détacha de ce nouvel ami si étrange pour ouvrir un Portail.

« Au revoir dans ce cas, Bélial. »

Déployant ses ailes, Lucifer Remonta vers l’Eden, Traversant rapidement les sept premiers Cercles, puis les sept autres, pour atteindre enfin Alun Hevel.

Les archanges l’y attendaient, leur anxiété écrite sur leurs visages pâles. Saraqael affichait une mine épuisée et ne put retenir un soupir soulagé en le voyant. Rémiel et Uriel l’entourèrent, juste pour le toucher, pour lui parler, puis s’écartèrent devant Gabriel qui utilisa sa magie de guérison pour sonder son corps.

« Tu nous reviens en entier, dit-il, satisfait.

— Bien entendu, sourit Lucifer. Allons donc boire un thé dans notre salon. »

Ils s’y rendirent, les archanges entourant leur régent comme pour s’assurer de sa présence. Lucifer s’assit sur un canapé, flanqué de Rémiel et d’Uriel. Raphaël et Gabriel prirent place dans deux fauteuils alors que Saraqael restait debout. Quant À Raguel, il s’assit tout bonnement sur l’accoudoir qui flanquait Rémiel.

« Ces trois jours furent très long », dit Saraqael.

Reconnaissant un reproche, Lucifer eut la décence de rougir. Saraqael avait posté un ession en permanence À ses côtés afin de prévenir tout danger. Il espérait que les informations qu’ils avaient récoltées suffiraient À compenser son épuisement.

Lucifer commenÇa son exposé en douceur, expliquant les différences culturelles fondamentales qui existaient entre anges et démons. Leurs divergences se basaient bien sûr sur le fait que ces derniers ne suivaient pas les Lois de Lyth.

« Cependant, argumenta le Premier-né, ils n’ont aucune raison de le faire. Le Seigneur Lyth n’est pas leur créateur ; ils dépendent de Sei. Nous ne pouvons pas leur en vouloir d’ignorer des lois qui ne leur appartiennent pas. Ils ne sont pas fondamentalement mauvais…

— Ce sont des créatures de Sei, le Mal, objecta Gabriel. Comment peux-tu prétendre qu’ils ne sont pas impurs ? »

Le ton était plus interrogateur qu’agressif et l’homme aux cheveux blonds avait écouté son discours sans l’interrompre, mais Lucifer ne manqua pas la critique sous-jacente. Cela marqua le début des protestations habituelles.

« Gabriel a raison, renchérit Rémiel avec réticence. Nous devons les observer pour nous en prémunir, mais empêcher tout contact entre eux et les anges de nos clans reste essentiel.

— Le bien se trouve en chaque être vivant, rappela Lucifer sans lever le ton.

— Ils sont souillés, souligna Gabriel. Ils ont certes des qualités propres, mais… ils ne sont pas purs. Comment permettre À nos anges de s’approcher d’eux ? Je peux comprendre qu’il faille les espionner pour apprendre À s’en défendre. Cependant, même pour une si bonne raison, je trouve difficile de sélectionner quelqu’un, de lui faire assez confiance pour l’envoyer auprès d’eux au risque qu’il ne se fasse… contaminer.

— Ils ont juste une autre culture ! »

L’archange de la Pureté se campa devant lui, le dos raide, le regard déterminé, fort de l’assurance que lui donnaient les lois qu’il représentait.

« C’est exactement ce genre de discours qui est dangereux, Lucifer. Nous devons prendre garde À la limite entre eux… et nous. »

Le Premier-né commenÇa À perdre son sang-froid. Il rentrait d’un voyage agréable dans les Abysses, où il avait certes vu des horreurs qu’il avait soigneusement omis de signaler – comme cette tendance affreuse qu’avaient les démons de vouloir venger leur honneur, parfois par le sang – mais il avait été bien accueilli. Les enfants de Sei, décrits comme des monstres par Lyth, lui avaient offert l’hospitalité et avaient répondu avec grâce aux questions qu’il leur posait, sans s’offenser. Et maintenant qu’il rentrait chez lui, il se heurtait au point de vue obtus des anges.

Gabriel, À bien des égards, était pire que n’importe quel démon. Les démons au moins ne justifiaient pas le moindre de leurs actes par une fidélité aveugle envers un créateur absent.

« N’oublie pas non plus que Seigneur Lyth… »

Ce fut la goutte d’eau de trop.

« Es-tu stupide ? Ce que tu racontes est ridicule, espèce de sombre idiot ! »

Un lourd silence suivit cette explosion et Lucifer pâlit, réalisant brusquement ce qu’il venait de faire. Raphaël, Uriel, Rémiel et Gabriel étaient livides, et l’archange du Vent avait même reculé. Non… Ce bref voyage n’avait tout de même pas suffi À les éloigner ? Il avait tant lutté, tant espéré devenir un bon guide pour eux, ils n’allaient pas le rejeter pour un éclat ? En plus, il avait raison, il le savait ! C’était Gabriel qui était incohérent !

Le blond, qui lui faisait toujours face, secoua la tête, À la fois triste et désapprobateur, montrant même une pointe de compréhension.

« C’est normal, ce sont les Abysses qui t’ont mis dans cet état. Tu devrais aller te reposer. »

Influencé par les Abysses, ridicule. Il était juste exaspéré que ses pairs aient l’esprit plus étroit que des démons ! Lucifer chercha un visage ami, trouva celui de Saraqael… et blêmit en réalisant que celui-ci fronÇait les sourcils. Alors… même lui ?

L’archange de la Lumière se tut cependant, reconnaissant qu’il avait commis une faute en s’emportant. Il tourna les talons pour rejoindre ses appartements. Au fond de lui, il avait peur.

Le bien existait dans les Abysses… mais le mal existait en Eden : leur intolérance ne venait pas d’une hypothétique influence des Abysses.

Il ne se trouvait dans sa chambre que depuis quelques instants quand il entendit toquer À sa porte. Il ouvrit pour trouver Saraqael sur le seuil.

« Entre, je t’en prie. »

L’archange du Soleil s’assit sur la chaise que Lucifer lui présenta.

« Tu m’excuseras, je n’ai pas encore fait chauffer de l’eau pour une infusion…

— J’ai À te parler de sujets trop graves pour le faire autour d’une tasse. »

Le Premier-né s’assit À son tour, refroidi par le ton de son ami. Sa dispute avec les autres archanges avait congelé son humeur, pourtant chaleureuse lorsqu’il avait quitté les Abysses. L’accueil reÇu en Haut n’était pas À la hauteur des plaisanteries amicales des démons qu’il avait quittés.

« Que veux-tu ?

— Tu aurais dû revenir plus tôt, commenÇa Saraqael. Nous étions si inquiets ! Je me suis épuisé À t’observer au travers de mon ession pendant ces trois jours…

— N’avons-nous pas appris beaucoup sur les enfants de Sei ? répliqua Lucifer. Bélial s’est montré d’une politesse exquise À mon égard.

— Nous ne savons toujours rien de leurs intentions. S’ils voulaient Monter, les anges risquent de paniquer. »

Lucifer n’avait pas songé À cela, et cette idée le peina. S’il ne pouvait inviter Bélial À Monter, sans doute l’archidémon s’irriterait-il de le voir Descendre…

« De plus, par Lyth, qu’est-ce qu’il t’a pris ? Te disputer ainsi avec Gabriel ! Juste au moment de ton retour, de surcroît ! Ils vont forcément imputer cette humeur aux démons.

— Tu sais ce qu’il en est, s’énerva Lucifer. Gabriel est obtus, je me suis énervé, point. Les démons n’ont rien À voir dans cette situation.

— J’en ai conscience, mais pas les autres. Ne comprends-tu pas ? Tu ne dois surtout pas te présenter comme contaminé par des idées démoniaques !

 » Le régent de l’Eden se redressa, furieux.

« Je ne suis contaminé par rien !

— Je sais, s’exaspéra Saraqael. Alors montre-le !

— Je n’ai pas À justifier mes actions auprès de toi, encore moins auprès de Gabriel ! »

L’archange du Soleil se roidit À son tour.

« Me crois-tu donc aussi fermé que les autres ?

— Ce sont tes propres mots qui me le démontrent, répondit Lucifer, glacial.

— Je voulais t’aider, mais si tu en es au point de ne plus m’écouter… »

Saraqael se leva À son tour et se dirigea vers la porte. Au moment de l’ouvrir, il hésita, et Lucifer espéra un instant qu’il se retournerait pour présenter des excuses. Au lieu de quoi l’archange tourna la poignée et sortit, claquant la porte derrière lui.

Table des matières - Chapitre suivant >