Chroniques d'un cycle : Les Enfants de Saâgh
Chapitre 12
« Ysk [ishk], n. m., vide, mort (gen.), cendre (poétique). Yskjil, adj. gris cendre, la couleur du vide, litt. la couleur qui reste quand il n’y a plus que des cendres. »
– Dictionnaire skahil / antique –
Gamin se réveilla et sut que tout était vrai. Luttant contre un haut-le-cœur, il roula sur le côté, remontant ses jambes au niveau de son torse. Un vampire, lui ? Impossible. Pourtant…
Il se sentait bizarre, comme si une partie de lui était restée dans la Vallée des Fils. Il se concentra, yeux toujours clos, et visualisa l’Au-Delà. Un morceau de lui y coupait des fils, libérant les âmes des morts afin qu’elles puissent trouver le repos.
Il réalisa alors que les gens s’agitaient autour de lui et souleva les paupières, s’appuyant sur ses coudes pour se redresser. Les bruits s’arrêtèrent et les deux érudits se figèrent pour le regarder. Ils lui paraissaient si petits et idiots à présent, obsédés par leur but stupide. Qu’y gagneraient-ils ? Et quelle importance cela avait-il, au final ? Réalisaient-ils à quel point cela était vain ?
« Comment peux-tu être en vie ? murmura Nama. Tu étais mort et l’expérience a échoué. Tu aurais dû rester mort. »
Gamin l’ignora, et retira vivement sa main lorsque Renaeyle tenta de la saisir, incrédule elle aussi. Il n’avait rien à leur dire. Ils avaient trahi sa confiance, ils l’avaient manipulé puis transformé en monstre. Il se détourna d’eux, scannant les lieux du regard. Le laboratoire n’avait pas changé…
Un vampire était assis aux côtés de Nataos et l’observait, nonchalant. Des sangsues, tous, et pourtant… cet homme avait quelque chose de spécial. Gamin ne savait pas quoi, mais il percevait confusément que sa présence était plus forte que celle des autres.
« Qui êtes-vous ? » demanda Gamin.
L’autre se leva et vint vers lui sans que personne ne s’interpose, Nama s’écartant même de son passage. Il ne s’arrêta que lorsqu’il toucha la table. Gamin baissa les yeux et réalisa qu’il était nu et que le terrible tatouage se trouvait bien sur son bras. Des liens qui devaient l’avoir retenu à la table d’opération gisaient autour de lui, tombés en poussière lorsqu’il avait ressenti le besoin de se lever. Son aura était devenue si puissante ! Une aura de Mort… Un instant, il en eut le vertige. Comment allait-il maîtriser ce pouvoir ?
Un index se posa sur son menton, le forçant à lever la tête. Le vampire l’observait, son visage à quelques centimètres du sien. Un sourire étirait ses lèvres froides, le genre de sourire qui donnait envie de le frapper pour le lui faire ravaler. Ses pupilles rouges firent frissonner l’enfant. Comment des yeux d’une couleur pareille pouvaient-ils sembler froids ?
« Je suis Skady. »
Gamin tressaillit en entendant une réponse qu’il n’attendait plus. Le vampire semblait si sûr de lui… Il prit son courage à deux mains pour insister :
« Mais encore ?
— Je suis le Doyen de la Maison Ezrjl, pour autant que tu saches ce que cela signifie. »
L’enfant soutint son regard. Ce Skady savait pertinemment qu’il n’avait pas la moindre idée de ce que cela signifiait et que ce n’était pas le sens de sa question. Le sourire du vampire s’accentua en le voyant résister. Il se pencha pour lui susurrer à l’oreille :
« Je suis comme toi. »
Gamin comprit alors qu’il avait en face de lui un autre jhliska et s’empressa de le sonder. Le Sang… Il frissonna. Il avait étudié la thaumaturgie et savait que le Sang et la Mort étaient des Éléments compatibles, donc que les auras de Sang et de Mort s’attiraient. Cela lui avait semblé abstrait. À présent, il regrettait son inattention ; sa magie pulsait, lui demandant de se mélanger à celle de l’autre.
Il doutait qu’il s’agisse d’une bonne idée.
« Donc vous savez ce qui s’est passé ? »
Skady pointa sa poitrine d’un mouvement de menton.
« Difficile de l’ignorer. »
Gamin baissa les yeux, la bouche déjà ouverte pour demander de quoi il parlait, avant de capter le reflet d’une flamme sur du métal. Un pendentif ? Il en attrapa la chaîne pour monter l’objet au niveau de ses yeux. Le symbole de Shyin se détachait sur le métal froid.
« Mais que s’est-il effectivement passé, au nom de Saâgh ? » s’exclama Nama.
Skady renifla, méprisant.
« Le vampire de la Mort a passé le flambeau. »
Nama se tourna vers lui, l’air agité.
« Vous plaisantez ? J’ignorais même que ce titre était héréditaire !
— De la même façon que celui d’archange. Comment te sens-tu, enfant ?
— Je ne suis plus un enfant, protesta Gamin. Et ça ne vous regarde pas. »
Il se tourna pour laisser ses pieds pendre dans le vide, et grimaça en voyant les instruments que les deux scientifiques avaient utilisés pour leur expérience. Il préférait ne pas savoir pour quoi. Il se laissa glisser au sol, essayant d’ignorer sa propre nudité.
« Je suppose que vous n’avez plus besoin de moi ? »
La question était rhétorique : ils ne pourraient pas le retenir. Nataos s’avança néanmoins.
« Il va de soi que nous ne te retiendrons pas. Mais je te préviens, il n’est pas question que tu emmènes qui que ce soit en partant. »
Arkim et Cat ! Comment avait-il pu les oublier ? Il ne pouvait pas les laisser ici ! Ces fous comptaient les utiliser à leur tour comme des objets qu’ils pourraient jeter en cas d’échec… Malheureusement, le prince semblait déterminé.
Gamin serra les dents. Il était devenu puissant mais il ne savait pas maîtriser sa magie. De plus, la puissance de Skady égalait la sienne…
« Très bien, lâcha-t-il. Mais si vous causez leur mort, je vous préviens… »
Il laissa la menace en suspens. Sans attendre leur avis, il attrapa ses vêtements qui étaient posés dans un coin et se dirigea vers la porte. Sa sortie aurait été plus théâtrale s’il avait pu s’élancer du haut de la tour, profitant des ailes qui, supposait-il, avaient dû lui pousser, mais Arkim lui avait expliqué que voler ne venait pas naturellement, et il n’avait aucune envie de se casser une jambe.
Il avait une main sur la poignée quand Skady l’arrêta.
« Au fait, gamin, tu as omis de te présenter toi-même. »
L’enfant se figea. Se moquait-il de lui ? Non, sans doute ne connaissait il pas sa situation.
« Je n’ai pas de nom », admit-il sans se retourner.
Il l’entendit renifler à nouveau.
« Ridicule, déclara Skady. Un jhliska se doit d’avoir un nom. »
L’enfant réfléchit. L’homme avait raison. Il jeta un regard à son bras et eut un sourire amer. Le voilà, son nom : 33-9-SKA. Lui qui avait espéré en gagner un vrai, à la sueur de son front… Un instant. Il n’appartenait plus à Nama et Renaeyle, mais à la Mort.
Une phrase rejaillit du fond de sa mémoire : Shyin shelij sho fesh, ji ysk alijie, la main de Shyin passe sur moi et je deviendrai poussière. Il s’agissait des seuls mots qu’il connaissait en skahil, la langue des vampires, et ils convenaient à sa situation.
Il se tourna à demi vers Skady pour le dévisager. Le vampire – l’autre vampire, réalisa-t-il avec un peu de retard – souriait toujours avec cet insupportable air suffisant.
« Dans ce cas, vous pouvez m’appeler Ysk. »
Et il sortit.
***
Nama tournait en rond comme une wyverne en chaleur dans la petite chambre de la Tour qui lui servait d’appartements. Renaeyle le regardait depuis le divan, exaspérée. Au bout d’un moment, elle se leva.
« Ça suffit. Assieds-toi, tu me donnes le tournis. »
Nama obéit mais attrapa le coupe-papier posé sur la table basse pour le triturer. Renaeyle leva les yeux au ciel.
« Reprends-toi, par Faljan ! Notre expérience a échoué mais nous avons comment y remédier pour la prochaine fois. Hji Skady a confirmé que tu pouvais continuer tes recherches, et…
— Il apprécie ce gosse. Ce moins-que-rien ! Et il n’a rien confirmé quant à mon statut. Quand nommera-t-il enfin un héritier, par Sei ? »
La jeune femme le regarda avec surprise et Nama se repentit aussitôt de son coup d’éclat. Avec un soupir, il expliqua sa situation : la Maison, son père Doyen, la désignation d’un héritier… En disant cela à voix haute, il se sentait presque idiot.
Le prenant par surprise, Renaeyle vint à ses côtés et posa une main sur son bras.
« Ne t’en fais pas. Il a attendu jusqu’à maintenant, tu ne penses tout de même pas qu’il se déciderait d’un seul coup ? »
Nama dut en convenir, de mauvaise grâce, et posa le coupe-papier.
« Cela reste agaçant. Il semblait plus intéressé par le gosse que par mes avancées. Et le nom qu’il s’est donné…
— Ysk… Mais cela ne veut rien dire. »
Le vampire secoua la tête.
« C’est du skahil. Cela signifie… C’est difficile à traduire, en fait. Quelque chose entre mort, inexistant, cendres…
— Comment peut-il donc connaître le skahil ? Il était à peine éduqué en arrivant ici !
— Aucune idée. »
Ce nom convenait parfaitement au jhliska de Shyin… il était puissant. Nama enrageait. Hji Skady avait poussé l’enfant à en choisir un et cet homme ne faisait rien sans raison.
Le gamin n’avait pas non plus choisi au hasard. En prenant un nom vampirique et doté, qui plus est, de la fameuse lettre y refusée aux non-elfes, il avait déclaré qu’il ne se considérait plus comme partie intégrante de la société elfique. Nama n’aimait pas cela.
« Ce n’est pas si grave, tempérait Renaeyle. Notre essai a échoué, mais nous savions que c’était une possibilité. Skady est difficile à impressionner. Le jour où tu auras monté l’armée dont rêve Nataos, tu pourras te présenter devant ton père la tête haute. »
Les lèvres de Nama esquissèrent un demi-sourire. Elle avait raison.
Il s’avança pour faire face à la jeune femme, qui était retournée s’asseoir, et s’inclina profondément.
« Merci. »
***
Uriel avançait dans le couloir d’un pas souple. Dans quelques minutes, elle pourrait enfin être elle-même, sans mensonges ni faux-semblants. Elle espérait que cela servirait de leçon à certains – que cela en réveillerait d’autres. Ils stagnaient depuis trop longtemps.
Elle arriva devant la porte de la salle de réunion et s’arrêta pour reprendre son souffle. Malgré sa détermination, elle avait du mal à respirer. Sa décision changerait sa vie de façon radicale. Elle savait que son choix était sain, mais difficile à assumer. Néanmoins, elle n’avait pas de regrets.
Elle poussa les portes pour entrer. Les six autres archanges se tenaient déjà à leur place. Michaël se leva en la voyant.
« Tu nous a convoqués ? »
Son ton interrogateur cachait mal son inquiétude. Il ignorait pourtant la raison de cette réunion. Le regard d’Uriel survola les autres, les trouvant tour à tour étonnés, fatigués, souriants – Raguel l’était toujours – ou incisifs – Saraqael, bien sûr. Lui savait déjà.
« J’ai une annonce importante à vous faire, déclara-t-elle en levant le menton. Je tiens d’abord à vous dire que je vous aime tous, mes frères, ma sœur… »
Rémiel inclina la tête, inquiète.
« … et que j’aime l’Eden de tout mon cœur. J’ai aussi conscience de la nature de mes actes mais cela ne me décourage pas. N’essayez pas de me convaincre, condamnez-moi si vous voulez, mais je suis décidée. »
À ce point, elle avait leur attention pleine et entière. Elle retint le réflexe nerveux de tripoter le bout de ses manches et se lança :
« Je viens d’épouser Léviathan. »
Le chœur d’exclamations outrées qu’elle attendait ne vint pas. Les autres semblaient trop choqués pour réagir ; même Gabriel restait bouche ouverte sans retrouver assez de contenance pour se lancer dans l’une de ses habituelles diatribes. Elle en profita pour continuer.
« Je ne considère pas avoir trahi les lois de Notre Seigneur Lyth. Je suis consciente que vous allez me déchoir en considérant qu’il s’agit là d’une trahison envers l’Eden, mais aucune loi d’interdit à un ange d’épouser un démon. Je ne me suis pas commise avec lui. »
Elle rougit.
« Pas encore. Mais il est mon mari et je compte fonder une famille.
— Quelle sera votre position par rapport à la guerre ? »
Saraqael était bien sûr le premier à intervenir. Il connaissait la situation, il avait probablement épié la cérémonie. Néanmoins, il avait attendu qu’elle l’annonce elle-même. Uriel lui en était reconnaissante.
« Nous allons nous retirer de la guerre tous les deux, répondit-elle. Léviathan annonce la nouvelle aux siens en ce moment même. Nous comptons nous installer dans les plus Hauts Cercles des Abysses, dans les royaumes elfique ; l’endroit le plus neutre que nous puissions trouver. »
L’Univers était trop rempli d’anges et de vampires pour être calme. Elle se sentait lasse des combats. Abandonner ses anges serait difficile, mais s’ils étaient honnêtes avec eux-mêmes, ils comprendraient qu’elle faisait le premier pas vers les changements auxquels ils aspiraient.
Gabriel se leva enfin et elle carra la mâchoire, se préparant aux insultes.
« Comment peux-tu nous faire ça ? murmura l’archange de la Pureté, les prenant tous par surprise. Tu as conscience de la portée de tes actes, cela se voit. Alors comment peux-tu nous blesser de cette façon ? Et pourquoi ? Pour un démon ? »
Il avait l’air désespéré et cherchait à comprendre ses motivations, elle le percevait grâce à son empathie.
« J’aime Léviathan, Gabriel. Ne peux-tu pas comprendre ? Il est doux et gentil, plus prévenant que je ne m’y serais attendue venant d’un démon. Il a su me montrer, me prouver qu’il n’était pas mauvais, que ce que nous pensions des Enfants de Sei était faux. »
En cela, elle devait des excuses à Lucifer. Si elle en avait l’occasion, elle les lui présenterait. Néanmoins, elle ne lui pardonnerait jamais son comportement après sa Chute, lorsqu’il avait pris le parti des démons. Il avait tué des anges au combat, ce n’était pas excusable.
« Mais comment peux-tu en être sûre ? insista Gabriel. Il attend peut-être ta déchéance pour t’abandonner ! Leur parole n’a aucune valeur, cela a déjà été prouvé dans le passé, et…
— Je t’assure que telle n’est pas son intention, l’interrompit-elle. N’est-il pas trop tard de toute façon ? Je l’ai épousé. Je ne retournerai pas en arrière. »
L’archange de la Pureté se rassit, livide. Uriel se sentait presque pour lui ; après tout, son propre frère était tombé pour un archidémon qui, en effet, avait fini par le quitter. Mais elle n’était pas Ariel et Léviathan n’était pas Bélial, grâce en soit rendue à Lyth.
Rémiel la dévisageait d’un air à la fois choqué et appréciateur. Sans doute n’avait-elle jamais imaginé qu’elle, Uriel, pouvait tomber amoureuse, ou trouverait le courage de partir pour vivre sa vie. Elles s’entendaient comme des sœurs, mais Rémiel avait toujours eu plus de caractère.
« Bon courage », dit finalement l’archange du Métal en hochant la tête.
Elle essayait de faire passer son approbation dans sa voix. Uriel lui sourit pour lui faire savoir qu’elle comprenait.
Raphaël se leva et lui attrapa les deux mains.
« Bonne chance. »
L’émotion dans la voix de l’archange de la Foudre lui fit venir les larmes aux yeux. Ils avaient toujours été proches. Elle les serra en retour.
« Merci. »
Il ne la relâcha que pour mieux l’enlacer, la tenant contre son corps solide.
« S’il te fait du mal, je lui casse le crâne en deux, déchue ou pas, Uriel. »
Elle laissa échapper un bref éclat de rire, hochant la tête contre son épaule. Puis il recula d’un pas, lui embrassa le front, et retourna à sa place. Raguel le remplaça aussitôt et, bien qu’elle ne soit pas aussi proche de lui que de Raphaël, elle apprécia la chaleur de l’étreinte.
Enfin, Michaël prit la parole.
« Je ne peux me prétendre heureux, Uriel, car ton départ est une terrible perte pour nous. J’espère néanmoins que tu te trouveras bien dans la voie que tu as choisie. »
Elle acquiesça, les larmes aux yeux. Elle s’approcha d’eux, et tous lui serrèrent encore les mains, même Gabriel, bien qu’il reste choqué et confus. Elle lui murmura à l’oreille des paroles d’encouragement.
Puis, elle Traversa, presque sans regret.
***
Ysk ne savait pas quoi faire ni où aller. Il portait les vêtements usés qui servaient à son entraînement – un pantalon de toile brun et une chemise beige sans manches dotée d’une capuche, ainsi, heureusement, qu’une paire de bottes en cuir souple – et il n’avait ni arme, ni argent. À vrai dire, il n’en possédait pas davantage dans sa chambre.
Cependant, il devait parler à Arkim et Cat avant de quitter la ville. Les deux érudits ne leur avaient sans doute rien dit à son sujet. Peut-être même le croyaient-ils mort !
Il se glissa dans le palais. Ce n’était pas compliqué : les gardes le connaissaient de vue et il parvenait tant bien que mal à masquer sa nouvelle aura. Il entra par la porte principale sans qu’on essaie de l’arrêter.
Personne n’avait été prévenu. Les domestiques l’ignorèrent selon leur habitude et il se glissa jusqu’à la petite chambre réservée à Arkim pour toquer à la porte.
« Qui est là ? »
Ysk entendait deux battements de cœur à l’intérieur : le démon était sans doute avec Cat. Il entra sans répondre et referma derrière lui.
« Bonsoir. »
Il s’agissait en effet de la jeune elfe, qui le dévisagea avec de grands yeux écarquillés.
« Gamin ? Nous te croyions mort !
— C’est à moitié le cas. Longue histoire. »
Il n’eut guère le loisir de l’entamer : Cat lui sauta au cou, suivie par Arkim. Tous trois tombèrent à la renverse dans un mélange de bras et de jambes, alors que ses deux amis lui posaient quinze questions en même temps.
« Doucement, une à la fois ! » protesta-t-il.
Ils s’écartèrent, leurs visages éclairés par de larges sourires. Ysk s’en voulut de briser leurs espoirs.
« Je ne vais pas pouvoir rester, avoua-t-il. Je dois partir du palais. Je suis seulement venu vous expliquer ce qui s’était passé et… dire au revoir.
— Quoi ? s’exclama Arkim. Mais pourquoi ? »
Il leur résuma les évènements. Leurs expressions passèrent par différentes nuances de colère, de stupeur puis de tristesse. Arkim n’en revenait pas.
« Ils voulaient te tuer ?
— Se servir de moi comme cobaye pour vérifier leurs théories, rectifia Ysk. Nous le savions depuis le début, non ?
— Mais ils ont continué en sachant que cela allait causer ta mort ! »
Ysk haussa les épaules. Ce n’était pas ce qui l’énervait le plus. S’il avait survécu autrement qu’en devenant vampire… Il se tendit. Il n’acceptait pas son appartenance à cette race abominable. Allait-il devoir se nourrir de sang ? L’idée seule le répugnait.
« Je suis si désolée pour toi, Gamin », déclara Cat en lui serrant l’épaule.
Il réalisa seulement alors avoir omis le plus important.
« Je ne m’appelle plus Gamin, leur annonça-t-il. Je suis Ysk, dorénavant.
— Tu as un nom ! s’exclama Arkim, ravi. Félicitations ! »
Cat le congratula de même, allant jusqu’à le serrer contre elle pour montrer son bonheur. Le rouge ne monta cependant pas aux joues d’Ysk ; déjà, il manquait de sang pour que ce soit possible. Il détourna les yeux.
« Voilà l’histoire. Maintenant je vais y aller. Si Nama ou Renaeyle me voient ici…
— Où vas-tu aller ? demanda Arkim. Je suis désolé, mais… je pensais que tu n’avais personne à l’extérieur ?
— Je crois que je vais aller à Pandémonium, déclara Ysk. Asmodée s’y trouve, l’archidémone de la Mort. J’imagine que c’est la seule qui pourra m’en apprendre plus sur mon prédécesseur.
— Elle ou les autres jhliska. », corrigea Cat.
— Je n’ai aucune envie de les rencontrer. S’ils ressemblent à Skady, j’espère ne jamais croiser leur chemin. »
Ses deux amis acquiescèrent, compatissants. Cela faisait mal de les laisser derrière. Ysk se jura qu’il garderait un œil sur eux depuis l’Au-Delà.
« Nous nous reverrons, promit-il. Je ne sais pas comment ni quand, mais je reviendrai.
— Je suis certain que nous aurons plein de choses à te raconter, et toi aussi ! s’exclama Arkim avec autant d’enthousiasme qu’il le put. Et si tu as besoin d’aide à Pandémonium, va chez le Seigneur Lanek et dis-lui que je t’envoie. Je suis certain qu’il t’aidera. »
Les yeux de Cat étaient humides. Ils s'étreignirent une dernière fois en silence, puis une toute dernière fois, et enfin Ysk se glissa à l’extérieur, aussi silencieux qu’une ombre.
***
Les archanges n’avaient pas quitté la salle du conseil après le départ d’Uriel. Leur débat faisait rage, à peine interrompu par des serviteurs qui leur portèrent de l’eau et des tisanes.
« Elle a trahi l’Eden, soutenait Gabriel. Je sais que les lois n’interdisent pas les mariages entre anges et démons, mais depuis le début de la guerre, une telle alliance revient à une trahison. Même si je respecte Uriel. »
Saraqael fut surpris de l’entendre souligner ce dernier point. Comme il n’était pas le seul, Gabriel s’expliqua :
« Elle a fait son choix et l’a assumé. Elle n’a pas menti comme l’auraient fait d’autres, se terrant en Eden malgré son mariage. Non, elle nous a avoué son crime et a accepté son châtiment. Ses actions restent pécheresses mais son honnêteté est louable – plus que celle de certains anges restés en Haut. »
Son point de vue s’expliquait. Saraqael le considérait néanmoins comme surprenant venant d’un archange qui avait toujours mis les lois au-dessus du reste. Enfin, Gabriel votait pour la déchéance.
Il voulut intervenir, mais Rémiel le prit de vitesse :
« Je ne suis pas sûre que ce soit judicieux. Bien que les lois restent floues à ce sujet, notre jurisprudence est claire : ce genre d’union a toujours été condamné. Cependant, la Chute d’un archange a un impact plus important que cela. Nous nous souvenons tous de la catastrophe que la Chute de Lucifer a failli entraîner. »
Voilà un point auquel il n’avait pas songé. Pour Saraqael, la Chute de Lucifer avait prouvé que l’Équilibre trouvait toujours le moyen de se restaurer de lui-même mais, d’un autre côté, peut-être cela avait-il été un coup de chance. Le risque était gros ; s’ils se trompaient, l’entièreté des Trois Mondes serait détruite.
Cet argument ébranla la confiance de Gabriel.
« Mais si les lois vont dans ce sens…
— La survie de l’Eden est plus importante que les lois », l’interrompit Michaël, sans doute ravi de trouver une excuse pour ne pas déchoir l’un des leurs.
Il était, après tout, celui qui avait le plus été touché par le départ de Lucifer.
« Que proposes-tu ? demanda Raguel.
— De biaiser : bannissons Uriel de l’Eden sans la déchoir. Cela reviendra au même sans mettre l’Équilibre en danger. »
Et cela avait l’avantage non négligeable d’être réversible, se dit Saraqael in petto. Excellente idée.
« Je vote pour », déclara-t-il donc de suite, ne voulant pas laisser le temps à Gabriel d’y réfléchir.
Raphaël rejoignit son avis sans hésiter, de même que Raguel et Rémiel. Michaël se tourna alors vers l’archange de la Pureté.
« Et toi ? »
Gabriel hésita. Il était borné, pas idiot, et avait saisi la subtilité de ce choix. Sa loyauté envers les lois combattait son envie de protéger sa quasi-sœur. Le risque de destruction des Trois Mondes était une excuse rêvée, mais il avait conscience qu’il ne s’agissait que de cela : une excuse.
« Je… je préfère m’abstenir, si vous le permettez. »
Michaël acquiesça.
« Cela nous fait cinq voix pour une abstention. J’annoncerai notre décision aux anges dans une heure ; je vous demanderai de vous taire au sujet d’Uriel d’ici-là. »
Ils acquiescèrent et commencèrent à sortir. Saraqael grimaça en entendant ses os craquer alors qu’il se levait. Il était fourbu. Combien de temps étaient-ils restés enfermés ? Quatre, cinq heures ? Et ils allaient devoir gérer à la fois la colère des anges, les rébellions persistantes – et surtout la guerre avec une archange de moins.
Par Essiah… Il n’avait même pas pris le temps de dormir cette nuit, trop occupé à épier les allées et venues d’Uriel. S’il se dépêchait, peut-être pourrait-il grappiller quelques minutes de sommeil avant que Michaël n’annonce le bannissement à l’Eden…
Cet espoir s’évapora lorsque la main de l’archange de la Lumière s’abattit sur son épaule.
« Reste, Saraqael. Je dois te parler. »
La colère vibrait dans sa voix derrière sa fausse façade de calme. Ils attendirent que les autres soient sortis, puis il referma la porte.
« Comment se fait-il que je n’aie pas été mis au courant de cela avant qu’elle ne l’annonce ainsi à tout le monde ? »
Saraqael détourna les yeux devant sa fureur.
« Je ne vends pas les pécheurs, Michaël, ce n’est pas mon rôle. Je te rapporte ce que font nos ennemis… mais Uriel est l’une d’entre nous. Je ne savais pas ce qu’elle préparait avant d’assister à son mariage dans le courant de cette nuit, et alors il était déjà trop tard.
— Tu aurais pu me prévenir du risque ! Ne me dis pas que tu ignorais qu’elle fréquentait Léviathan.
— Et qu’aurais-tu fait, si je t’avais prévenu, Michaël ? Lui aurais-tu pardonné, ou aurais-tu fait appel au conseil des archanges pour la juger et la déchoir ? »
L’autre cilla. Saraqael se massa l’arête du nez, las.
« Le poids du secret n’est pas facile à porter, mon ami, soupira-t-il. Sans doute aurais-tu décidé de te taire, mais tu es le chef de l’Eden. Tu dois avoir une conscience sans tache. Parler de trêve avec les démons est une chose ; comme tu nous gouvernes, c’est ton droit, cela ne relève pas de la trahison. Couvrir une pécheresse en est une autre. Tu ne peux pas te le permettre. »
Michaël le fixa un long moment en silence.
« Et toi-même, Saraqael ? Le fardeau ne s’allège-t-il pas lorsque tu le partages ? »
L’archange du Soleil rit doucement, d’un rire sans chaleur.
« Non… La dernière fois que j’ai parlé, j’ai causé la Chute de Lucifer. »
Sur ces mots, il abandonna Michael pour se rendre vers son bureau. En cours de route, cependant, il changea d’avis pour se diriger plutôt vers celui de Raguel : il était trop nerveux pour travailler. S’il complétait des dossiers maintenant, ses subordonnés prendraient des heures à déchiffrer ses pattes-de-mouche, car l’inquiétude déformait ses lettres plus encore qu’à l’accoutumée.
Il ne rappellerait pas l’ession qui suivait Uriel partout depuis des années, ni celui de Léviathan. Qu’Uriel soit exilée ne changeait en rien son importance pour l’Eden… et il veillerait sur sa presque-sœur quel que soit le statut de celle-ci. S’il se concentrait, il pouvait la voir dans les bras de son époux, yeux fermés, profitant de sa proximité en toute légalité.
Raguel ne fut pas surpris de le voir arriver.
« Entre donc. Du thé ? »
Saraqael accepta d’un hochement de tête sec et s’assit sur une chaise. Très vite, il reçut tasse et citron, et l’archange du Feu s’installa en face de lui.
« Qu’en penses-tu, je veux dire, sincèrement ? demanda Saraqael.
— Uriel a le droit de vivre sa vie. Même Gabriel a admis qu’un mariage ne pouvait causer la déchéance.
— Cela reste de la trahison », lâcha Saraqael.
Après tout, Léviathan était un archidémon. Qu’une archange quitte l’Eden pour le rejoindre alors qu’ils avaient besoin de tous leurs combattants ne pouvait être appelé autrement – même si son choix était non seulement compréhensible, mais aussi admirable. Cette guerre était absurde.
Raguel sourit.
« À quoi sert la déchéance ? À punir ceux qui ne suivent pas les lois.
— Et Uriel n’a enfreint aucune loi, soupira Saraqael. Mais d’autres avant elle, à commencer par Lucifer…
— Personne n’avait jamais eu l’intelligence ou le courage de se confronter aux archanges avec un mariage. »
L’archange du Soleil en convint. Le cas de Lucifer était unique. Les anges qui étaient Tombés pour des démons n’avaient jamais envisagé qu’ils puissent les épouser. À quoi bon ? Même ainsi, ils ne pourraient pas rester en Eden. Nombre de déchus se mariaient après leur Chute avec le démon qui en était responsable.
« La guerre n’est pas propice à la romance », ajouta Raguel.
Saraqael grommela que cela n’avait pas arrêté Bélial. Deux fois. Cela fit rire l’archange du Feu.
« Avoue qu’il s’agit d’un cas particulier.
— Oui. Ariel s’étant montré particulièrement stupide. »
Raguel se gratta la nuque sans se départir de son sourire.
« Ariel n’était qu’un gamin.
— Il valait mieux que ça. »
Le silence s’installa après cette déclaration, Saraqael buvant son thé et l’autre l’observant sans un mot. La douce Uriel partait, celle qui avait toujours détesté les conflits, qui calmait Gabriel et Raphaël dans leurs ardeurs meurtrières… Qu’allaient-ils faire sans elle ?
Avec un peu de chance, il pourrait la revoir, tenta de se convaincre l’archange du Soleil. Ce n’était pas un rejet définitif comme celui de Lucifer. Il n’avait pas perdu sa presque-sœur. Tout n’était qu’une question de temps.
Mais c’était difficile d’attendre, sans certitude que ce jour arriverait, ou qu’il arriverait à temps. Si ses crimes étaient découverts avant, ce serait lui, Saraqael, qui devrait quitter l’Eden – s’il s’en sortait vivant.
« Une pièce pour tes pensées. »
Il releva les yeux vers Raguel, sans répondre. Frryl ne faisait pas mine de se montrer. Peut-être Se fichait-Il d’Uriel ?
« Ne me regarde pas comme ça, protesta Raguel. Je préfère être content pour elle et lui souhaiter tout le bonheur du monde plutôt que m’asseoir et pleurer. La guerre finira par se terminer un jour !
— Tu as bien de l’espoir.
— L’éternité, c’est long. »
Un bref instant, une flamme se refléta dans ses iris, leur donnant une inquiétante lueur orange. Saraqael se détendit, réalisant avec surprise qu’il attendait cette confirmation depuis longtemps.
« J’espère vivre assez vieux pour voir ça », avoua-t-il à voix basse.
Raguel se leva pour aller chercher deux verres et une bouteille. Il les servit tous les deux et en tendit un à son vis-à-vis. L’odeur d’alcool prit Saraqael au nez et, au vu de sa force, il ne s’agissait pas d’abyssite.
« Tu as conscience que c’est interdit en Eden ? »
L’archange du Feu fit chauffer l’alcool pour toute réponse et maintint le verre devant lui. Saraqael le prit pour avaler quelques gouttes – et faillit recracher le tout. Il n’avait jamais bu une liqueur aussi forte. L’interdiction de l’alcool n’était pas l’une des règlementations les plus strictes de l’Eden, mais il en profitait rarement. Là, cependant, il en avait besoin.
Ils trinquèrent encore et burent tous deux une seconde gorgée.
***
La journée d’Arkim avait mal commencé et elle empira lorsqu’on l’envoya porter un message à Nataos. Le prince se montrait souvent désagréable, en particulier lorsqu’il s’ennuyait.
Il toqua à la porte des appartements de Nataos mais, fait rare, personne ne lui répondit. En temps normal, son secrétaire recevait les messages en l’absence du prince.
Arkim hésita. Renayele tiendrait un discours important sur la grand’ place d’Altayn, sous peu. Il avait promis à Cat qu’ils iraient ensemble pour glaner des informations sur leur futur. Il n’arriverait pas à l’heure s’il devait fouiller tout le palais à la recherche de Nataos.
Le jeune démon prit son courage à deux mains et poussa la porte. Celle-ci n’était pas fermée et s’ouvrit sans bruit. Il entra et, coupable, la referma derrière lui.
« Votre Altesse ? »
Son appel timide resta sans réponse. Jurant entre ses dents, il traversa le boudoir et toqua à la porte suivante… rien. Nerveux mais pressé, il la poussa à son tour, puis, de pas en pas, fouilla les appartements. Quand il en eut fait le tour, il fut certain que Nataos n’y était pas. Une sensation désagréable lui tordait l’estomac ; il n’aurait pas dû entrer. Réticent et mal à l’aise, il rebroussa chemin.
Des bruits de pas retentissaient dans le couloir, ainsi que des rires.
Arkim blêmit et colla son oreille à la porte. Zut ! Avec un tapage pareil, cela ne pouvait qu’être Nataos lui-même, et il était accompagné. L’adolescent regarda à droite puis à gauche, cherchant où se cacher. Il n’avait pas le temps de trouver ; il se replia dans la pièce suivante puis, paniqué, dans celle d’après. Il réalisa trop tard qu’il s’agissait de la chambre du prince.
Nataos arrivait. L’armoire était entrouverte. Arkim ne fit ni une ni deux et se fourra dedans, refermant les battants derrière lui. Il retint un juron en réalisant que ceux-ci étaient percées de trous minuscules – probablement décoratifs – qui permettaient de voir à travers. Pourvu que le prince ne le remarque pas ! Peut-être allait-il seulement prendre quelques papiers dans son bureau pour repartir ?
Nemess n’était malheureusement pas de son côté : Nataos entra dans la pièce, une femme gloussante accrochée à son bras. L’espoir que cela se termine vite s’évapora.
« Un lit à baldaquin ! J’ai toujours rêvé de m’en offrir un, minauda la dame d’un ton ravi.
— Je suis certain que vous apprécierez d’en tester les avantages… » lui susurra Nataos.
Elle fit des mines.
« Vous n’y pensez pas… Je n’oserais me commettre, fût-ce avec vous. Mon père ne me le pardonnerait jamais ! »
Par l’Équilibre, le prince jouait aux jolis cœurs ! Arkim connaissait sa réputation et l’avait déjà aperçu avec l’une ou l’autre femme au bras, mais il n’avait jamais pensé que Nataos les ramenait à sa chambre ! En tant que prince, il devait bien se tenir. Inutile de chercher plus loin pourquoi les appartements étaient déserts : il avait vidé les lieux de tout témoin gênant. Kawa était-il au courant que pareille débauche se tenait dans le palais ?
Quelque chose s’abattit contre l’armoire où il se cachait et Arkim faillit glapir. À la place, il se mordit la langue, qu’il coupa avec ses canines de jeune chiot. Les larmes aux yeux, il réalisa que la dame était appuyée à quelques centimètres de lui, et que ses vêtements commençaient à se défaire.
Le rouge lui monta aux joues. Il devait sortir de là ! Mais c’était impossible, même si le couple retournait vers le lit. Quel idiot il faisait ! Il retint sa respiration jusqu’à ce qu’ils s’écartent.
La tunique de Nataos avait glissé au sol. Comme la plupart des elfes, il était plutôt fin, mais ses muscles se découpaient fermement sur le blanc des draps. Il n’avait pas la carrure d’un démon, mais sans ses vêtements il paraissait moins féminin. Lorsqu’il enlaçait la femme, celle-ci semblait frêle ; il donnait l’impression de pouvoir la briser en deux sans effort.
Cela devait lui plaire car elle se frottait contre lui en gémissant. Le prince prenait son temps, caressant ici un sein, dénouant là un nœud qui dévoilait un peu plus la peau blanche de sa maîtresse. Arkim déglutit en le voyant glisser ses mains sur les hanches de la femme, remontant petit à petit sa tunique. Il se pencha, embrassant une épaule d’un air taquin, puis mordillant la peau. Il passa un bras sous elle alors qu’elle se cambrait, l’attirant plus près de lui, et en profita pour la débarrasser du reste de ses vêtements.
Nataos ne portait plus que son pantalon. Il s’arrêta un instant pour délacer ses bottes, puis s’intéressa à nouveau à la forme étendue auprès de lui. Joueur, il fit courir ses mains sur les courbes offertes, causant tantôt halètements tantôt gémissements. Il était un maître et elle, son instrument.
Depuis l’armoire, l’adolescent suivait ses gestes, les yeux écarquillés. Il connaissait la théorie, mais la mise en pratique n’était encore pour lui qu’un fantasme. Ce spectacle lui fit ressentir des sensations qu’il commençait à peine à appréhender. Il avait chaud, son ventre se tordait, il devait se mordre la lèvre pour se taire… même s’il ne savait pas ce qu’il aurait pu dire.
Il réalisa brusquement ce qu’il faisait, et le malaise revint en force. Soit, il ne pouvait pas sortir pour laisser son intimité au couple, mais il n’était pas obligé de regarder. Il ferma donc les yeux, comptant les secondes pour ne pas prêter attention au bruit.
Il en était à cinq cent dix-sept quand il entendit le râle de jouissance de Nataos.