Chroniques d'un cycle : Les Enfants de Saâgh
Chapitre 16
« Astres, June. Elle a de nombreux visages différents et porte une robe bleue ou noire constellée de brillants. Ses cheveux sont de multiples couleurs, généralement dans les tons bleus, noirs ou blancs. »
– Mythes et vérités, Kamu –
En arrivant au palais, Arkim avait très vite appris une leçon essentielle : il devait éviter Nataos. Cette impression n’avait guère évolué avec le temps – jusqu’à l’incident de la semaine précédente. À présent, il ne se contentait plus de l’éviter : il le fuyait comme la peste.
Il y était globalement parvenu, mais les rares fois où le prince avait réussi à lui mettre la main dessus avaient été pénibles ; il avait compris que ses sous-entendus et la tentation de boire à même sa gorge mettaient Arkim mal à l’aise et en profitait aussi souvent que possible, même en public.
Oh, il se montrait si subtil devant les tiers que personne ne comprenait pourquoi au juste le jeune démon rougissait tant en sa présence. Réalisait-il à quel point il jouait avec le feu ? La faim taraudait Arkim, même lorsqu’il venait à peine de se nourrir. Le sang froid lui paraissait sans saveur, dégoûtant, et il avait du mal à en avaler plusieurs gorgées chaque jour. Le souvenir de sa brève étreinte avec Lanek resurgissait aux moments les plus inopportuns et, malgré lui, le démon y superposait le visage de Nataos.
Si Kawa avait remarqué, il n’en avait rien dit – peut-être parce que Nataos n’osait faire de commentaires en sa présence. De toute manière, il avait été occupé avec une visite du Seigneur Skady, qu’Arkim préférait ne pas croiser ; il n’appréciait pas la façon dont ce vampire le regardait. Cat, par contre, avait vu qu’il y avait un problème et le harcelait pour savoir de quoi il s’agissait, au point qu’il s’était mis à l’éviter elle aussi.
Ce soir-là, sa journée terminée, il avait fait un crochet par les cuisines pour prendre un pichet de sang et avait regagné la petite chambre qu’il occupait dans l’aile des serviteurs. Il commençait à peine à la vider – faute de la déguster – que trois coups furent frappés à sa porte. Il n’eut pas le temps de se lever ; Cat entra.
« Te voici enfin ! »
Elle portait un plateau-repas et avait enclenché la poignée avec son coude. Avec un soupir, Arkim s’avança pour l’aider et posa le tout sur la petite table qui lui servait de bureau. Il avait retardé la confrontation mais, à présent qu’elle l’avait coincé, elle ne repartirait pas sans explications.
« Je t’en prie, installe-toi. »
Elle prit place sur l’unique chaise alors que le démon se rasseyait sur le lit, et rompit son pain pour le tremper dans le bol de soupe fumante posé sur son plateau. Arkim grimaça en la voyant faire – il ne comprenait pas comment les elfes pouvaient manger pareille bouillie de légumes. Leur sens du goût était trop différent de celui des démons de sang.
« Raconte, déclara-t-elle après quelques bouchées.
— Il n’y a pas grand-chose à dire. Nataos se montre juste plus pénible qu’à son habitude.
— Tu pourrais faire des efforts. »
Arkim faillit s’étrangler sur la gorgée qu’il tentait d’avaler.
« Moi ? C’est lui qui… !
— Lui est le prince. »
Elle était sévère. Il l’adorait, mais l’avait toujours trouvée trop sérieuse – surtout depuis le départ d’Ysk. Peut-être essayait-elle de compenser son absence ? Ou alors, elle avait juste mûri.
Arkim préférait ne pas savoir ce que ça sous-entendait sur son propre compte.
« Je sais, ou il aurait reçu mon poing dans sa jolie petite gueule. »
Nataos était plus viril que cela, mais le démon s’en fichait.
« Il me fait des propositions indécentes, Cat ! »
L’elfe écarquilla les yeux.
« Oh. Bien sûr, dans ce cas…
— Tu croyais vraiment que je m’énerverais pour rien ? »
Elle lui lança un regard lourd de sens. Arkim se laissa retomber sur ses coussins en grommelant. Il n’était pas si impulsif.
« Il m’a proposé de le boire, avoua-t-il, à la fois pour la choquer et parce qu’il avait besoin d’en parler. Il fait ça juste pour m’irriter.
— Et ça fonctionne, remarqua-t-elle. Il est doué pour trouver les points faibles des gens.
— Serais-tu en train de devenir une groupie ? » s’irrita Arkim.
Elle souleva son bol pour avaler une gorgée de soupe, puis s’essuya le menton d’un revers de manche.
« Nataos n’est pas si mauvais. Même toi, tu l’admets.
— Avec ses manigances de ces dernières années, je n’en suis pas si sûr. »
Catlyna fronça les sourcils.
« Je sais que tu éprouves de la reconnaissance envers Kawa, mais tu devrais ouvrir les yeux. Nataos n’est pas à moitié aussi horrible que tu le prétends.
— Qu’est-ce que tu racontes ?
— Je dis que Nataos a de bonnes raisons d’agir ainsi. »
Arkim se redressa, choqué. Il posa sa bouteille à moitié vide au sol pour mettre ses coudes sur la table. Cat avait elle aussi arrêté de manger. Elle reprit la parole :
« Tu suis Kawa sans réfléchir alors qu’il considère les drows comme des monstres, lui reprocha-t-elle sans ciller.
— C’est faux ! Kawa est un type bien, il ne te ferait jamais de mal…
— Ce qui ne l’empêche pas de penser que nous sommes des créatures horribles. »
Le démon ne sut que répondre. Lui-même adorait la jeune femme et appréciait nombre de ses pairs, mais il considérait qu’une abomination avait été commise pour les transformer. Cela dit, tout comme Kawa, il blâmait la main, pas l’instrument – même Nama et Renaeyle étaient, au final, manipulés par Nataos.
« Kawa essaie seulement d’empêcher son frère d’agir, finit-il par lâcher.
— Il ne devrait pas. »
Arkim écarquilla les yeux.
« Tu dépasses les bornes, Cat !
— Ce que fait Nataos n’est pas mauvais…
— Il n’agit que pour sa gloire personnelle ! »
La jeune elfe repoussa son plateau contre le mur pour pouvoir poser ses mains à plat sur la table.
« Je ne dis pas qu'il ne veut pas du pouvoir… mais nous sommes pris en tenaille entre les démons et les anges, et je doute que ce soit ces derniers dont nous devrions nous méfier. Ils ne s’en sont jamais pris aux créatures neutres. Les démons, par contre… si un jour la guerre contre l’Eden devait cesser, penses-tu vraiment que Belzébuth ne voudra pas récupérer ces terres qu’il considère comme siennes ?
— Les démons sont nos alliés ! »
Elle claqua la langue.
« Tu es bien naïf, Arkim. Leurs belles paroles seront oubliées dès qu’ils n’auront plus besoin de nous. Ainsi va la politique ! Jusqu’à récemment, Belzébuth refusait même de considérer les royaumes elfiques comme indépendants ! Et il a à sa disposition une terrible puissance militaire. Dans la situation actuelle, ils nous écraseraient.
— Mais ils ne feraient jamais ça !
— Ils pourraient. Personne ne sait ce que deviendra leur politique, à long terme… Nos relations diplomatiques n'existent qu’à cause du commerce. Les démons se montrent arrogants et froids envers nous ! »
Arkim fut pris d’un rire nerveux.
« C'est le dragon qui se moque de la wyverne, Cat.
— Je ne dis pas que nous n’avons pas nos torts ! Juste qu’il est important que nous puissions nous défendre, le cas échéant. Les drows sont là pour ça.
— Mais ce n’est pas aux elfes que Nataos pensait lorsqu’il a décidé de soutenir le projet de Renaeyle, et tu le sais aussi bien que moi ! Il voulait s’approprier un titre qui revient de droit à Kawa, sans oublier qu’il est capable de vous contrôler par la magie !
— Nous avons tous accepté d’être Améliorés et de prendre l’Empreinte, Arkim. De plus, n’ose pas prétendre devant moi que le trône revient à Kawa ; c'est Nataos l’aîné ! Il n’a été relégué en deuxième position qu'à cause de ses pouvoirs.
— Kawa serait un meilleur roi.
— Un roi plus juste et plus idiot, protesta l’elfe, exaspérée. Nous avons besoin d’efficacité. Nataos n’est pas juste un bellâtre charismatique. Il sait faire plus que gérer une nation ; il est plus qu’un administrateur. Il pense à long terme et a assez peu de scrupules pour faire ce qu’il faut faire quand il le faut. »
Arkim, désespéré, ne savait plus que lui répondre. Remarquant sa détresse, Cat posa une main sur son bras.
« Kawa est une meilleure personne, et je le sais. Tout le monde peut s’en rendre compte. Mais Nataos... Ce ne sont pas ses qualités qui font de lui un monarque qualifié. Ce sont ses défauts. »
Le démon se leva, se détournant d’elle.
« Tu dis ça uniquement parce que Kawa déteste les drows. Et même cela, ce n’est pas vrai ! Je suis certain qu’il vous réintègrerait à la société elfique s’il gagnait le trône.
— Comme il l’a fait pour toi ? » demanda-t-elle doucement.
Il se retourna pour lui faire à nouveau face, poings serrés.
« Oui, comme il l’a fait pour moi ! Je me fiche d’être méprisé si cela mène à une nation plus juste.
— Parce que tu trouves ça juste que nous soyons au ban de la société alors que nous avons tout sacrifié pour elle ? s’écria Cat. J’ai perdu ma famille, j’ai travaillé dur pour devenir ce que je suis !
— C’est Nataos qui vous a créés ou, du moins, qui a rendu votre existence possible. Vous auriez pu être des elfes comme les autres.
— Nous sommes des elfes comme les autres, répliqua durement la jeune femme. Et c’est Kawa qui est incapable de le voir. »
***
Après sa conversation avec Catlyna, Arkim avait passé plusieurs jours dans une profonde réflexion. Il se laissait plus guider par ses sentiments que par sa logique et il le savait, donc il prit le temps d’analyser en profondeur ce que son amie lui avait lancé au visage – sans y parvenir. Il était trop proche de Kawa pour être objectif – de cela, au moins, il avait conscience – et Nataos lui renvoyait tant d’impressions contradictoires qu’il ne parvenait pas à ‘en faire une idée définitive. Le prince était irritant autant que fascinant et, au final, même si Arkim acceptait d’un point de vue rationnel que certains de ses projets avaient un sens, son cœur continuait de lui crier que Kawa avait raison.
Heureusement, Nataos s’était abstenu de le provoquer devant son cadet. Arkim croyait qu’il s’agissait d’une décision consciente. Il réalisa son erreur quand les deux frères se croisèrent en sa présence pour la première fois depuis l’incident.
L’héritier et son serviteur marchaient vers leurs appartements lorsque Nataos arriva en sens inverse avec deux autres nobles, parés pour croiser le fer entre amis. Les princes étaient des fines lames et de nombreux elfes tentaient de les impressionner par leurs talents, sans parvenir à les égaler.
Arkim avait presque de la peine pour les compagnons de Nataos, qui allaient se faire humilier en public sans la moindre pitié – lui et Kawa prenaient les arts du combat trop au sérieux pour se retenir, même lors d’un entraînement – mais il n’eut pas l’occasion d’exprimer sa pensée.
« En route pour ta chambre ? » lança Nataos.
Les autres ne comprirent pas le sous-entendu, mais les joues d’Arkim lui brûlèrent. Comment osait-il ?
« Comme tu peux le constater, répondit Kawa.
— Plutôt que de t’amuser ainsi, ne nous accompagnerais-tu pas plutôt dans la cour pour faire quelques passes ?
— Il fait un peu frais pour cela. Ne profiteriez-vous pas plutôt d’une des salles d’entraînement des Améliorés ? »
Nataos s’apprêtait à refuser, quand l’un de ses compagnons lui indiqua la fenêtre du geste. Dehors, une pluie battante nettoyait les jardins.
« La suggestion est pertinente, messire. »
Le prince dévisagea son cadet quelques instants avant d’en convenir.
« Très bien. Mais ma proposition tient toujours, et tu n’y as pas répondu. »
Un combat entre les deux frères était une mauvaise idée et, l’espace d’un instant, Arkim échangea un regard plein de compréhension avec l’un des amis de Nataos. L’autre courtisan, par contre, ne semblait pas comprendre que les princes se détestaient et que les mettre en situation de violence avec la tension politique actuelle n’était pas des plus brillants.
Le démon ne pouvait intervenir devant d’autre nobles – surtout des courtisans favorables à Nataos. Il pria Nemess pour que son prince fasse preuve de sa sagacité habituelle.
Il réalisa trop tard avoir oublié de passer au temple.
« Eh bien, pourquoi pas ? Cela fait longtemps.
— Parfait ! s’exclama Nataos. Retrouvons-nous dans la salle d’entraînement ouest ?
— Je vais me préparer. Arkim ? »
Le jeune homme tressaillit, puis emboîta le pas à son maître. Ils arrivèrent à ses appartements assez vite et il l’aida à se changer sans oser commenter ce duel impromptu qui ne pouvait que leur causer des problèmes.
« Il est horrible avec toi depuis quelque temps, déclara Kawa devant son silence.
— Je peux le supporter. Il s’est toujours montré désagréable.
— Il a atteint des sommets dernièrement, n’imagine pas que je l’ignore. »
Arkim le contourna pour lui faire face.
« Si tu participes à cette farce pour me protéger, retire-toi. Je n’en ai pas besoin. De plus, c’est moi qui suis supposé te protéger toi, pas l’inverse. Tu es le prince, ici. Je ne suis qu’un domestique.
— Tu es un ami. Non ! N’essaie pas de me convaincre, de toute façon le mal est fait ; mon honneur en pâtirait si je me retirais après avoir accepté son défi. »
Il termina de fermer sa ceinture, et Arkim y attacha à contrecœur le fourreau de sa rapière, l’arme préférée du prince.
« Le premier devoir d’un souverain est de protéger les siens.
— Mais il ne peut y parvenir qu’en restant en vie.
— Nataos ne me fera pas de mal.
— Il ne te tuera pas, mais il pourrait faire pire ! »
Kawa attrapa son arme et la rangea dans le fourreau, puis leva les yeux pour affronter le regard d’Arkim. Celui-ci ne sourcilla pas. Qu’est-ce que Nemess avait bien pu mettre dans la tête de son ami pour qu’il agisse de manière aussi stupide ?
« Sérieusement, aller jusqu’à te battre juste parce qu’il m’ennuie…
— Il a intérêt à te laisser en paix. »
Le démon arrêta un instant de respirer ; le ton de Kawa lui avait fait l’effet d’un coup dans le ventre. Il ne comprenait pas ce que cela signifiait. Il chercha le regard du prince, mais celui-ci avait terminé de se préparer et se dirigeait d’un pas décidé vers la sortie. Il ne put que se précipiter derrière lui et, une fois dans les couloirs, rester silencieux, une ombre derrière son maître.
Ils arrivèrent à la salle d’entraînement sans avoir échangé le moindre mot. Nataos s’y trouvait déjà, se défoulant sur les pauvres nobles qui furent soulagés de les voir arriver. Kawa proposa à l’un d’eux de l’aider à s’échauffer et Arkim resta sur le bord pour les regarder, trop crispé pour s’asseoir. Son regard volait d’un prince à l’autre, sans qu’il parvienne à décider lequel le rendait le plus nerveux. Sa queue battait malgré lui dans le vide.
Les deux nobles félicitèrent leurs adversaires avec sincérité et les poussèrent à enfin commencer leur duel. Entre-temps, quelques serviteurs s’étaient amassés à l’entrée pour les observer et les premiers nobles à avoir entendu la rumeur arrivaient. Kawa et Nataos n’attendirent pas qu’ils soient installés ; les premières passes furent échangées dès qu’ils se retrouvèrent face à face.
Pendant quelques minutes, rien ne vint troubler le silence, si ce n’était le bruit de leurs lames qui se percutaient. Ils étaient aussi agiles l’un que l’autre et utilisaient tous deux les rapières prisées par les elfes, de qualité égale ; les lames semblaient voler. Ils évoluaient comme des danseurs sur la piste et Arkim se détendit. Peut-être que cela se passerait sans accroc. Ils marchaient sur une corde raide depuis des années et il n’y avait jamais eu de dérapage, malgré leur rivalité exacerbée.
Puis, alors qu’ils ferraillaient, leurs gardes vinrent à se rencontrer et Nataos murmura quelques mots. Arkim ne les entendit pas, mais l’expression de Kawa changea du tout au tout et, d’une poussée, il projeta son frère en arrière. Celui-ci avait un trop bon équilibre pour tomber et recula de quelques pas, garde relevée, un sourire provocateur aux lèvres.
Le visage du cadet était un masque de pierre, mais le démon voyait sa mâchoire crispée, ses coups qui se faisaient plus violents. Il avança, prêt à intervenir en cas de besoin – mais un des nobles l’arrêta d’une main sur son bras avant qu’il ne s’approche trop.
« C’est un duel ! protesta l’elfe devant son expression indignée.
— Ne voyez-vous pas ? chuchota Arkim d’un ton pressant. Ça ne va pas ! Ils vont se blesser ! »
L’autre noble renifla, méprisant.
« Nous ne sommes pas des bêtes sauvages. Les princes savent ce qu’ils font. »
Le démon retint l’impulsion de lui envoyer son poing dans la figure, ce qui ne ferait que démontrer à ce bigot qu’il avait raison. Oh, il ne doutait pas que Nataos, au moins, calculait la moindre de ses paroles pour provoquer son frère ! Mais Kawa se comportait bizarrement et Arkim refusait qu’il lui arrive quoi que ce soit par sa faute.
Des exclamations étouffées venant du public à l’entrée les firent sursauter, et ils se tournèrent d’un bloc vers les combattants dont le rythme s’était accéléré. Arkim remarqua avec soulagement que le sourire de Nataos avait disparu, avant de réaliser que cela signifiait qu’il était trop concentré pour s’amuser – et donc, que cela avait dépassé le stade du jeu.
Les lames cessèrent de s’entrechoquer pendant quelques instants, alors que les princes se jaugeaient. Leur niveau était trop semblable pour ce genre d’exercice. Même s’ils s’arrêtaient au premier sang, ils risquaient la catastrophe ! Cependant, le noble de pacotille avait raison : Arkim ne pouvait pas intervenir.
Il agrippa le bord de sa tunique, crispant ses doigts sur le tissu pour se calmer. Kawa plia un genou, faisant descendre sa garde ; ce fut le signal. Nataos se jeta sur lui, pointe en avant. Il l’évita d’un pas de côté, prêt à riposter, et sa lame ne fut déviée que de justesse. Il recula à son tour, l’épée levée, et se figea. L’aîné avait de nouveau parlé, et personne n’avait entendu – mais Kawa bondit sur lui sans la moindre précaution. Arkim cria, s’arrachant au bord pour se précipiter vers eux, sans trop savoir qui il comptait défendre.
La suite fut confuse. Le démon attrapa la manche de l’un – lequel ? –, quelqu’un glissa, une lame dérapa sur de l’os avec un bruit grinçant. Il crut tomber. Quelqu’un cria au loin. Nataos se redressa, pâle comme un mort.
Au sol gisait Kawa, le visage ensanglanté.
***
Dans les grottes mal aérées, l’odeur âcre de la mort ne s’évacuait pas, même des heures après un massacre. Des corps avaient été entassés dans un coin, prêts à être brûlés, abominable masse de bras, de jambes et d’yeux écarquillés. Saâgh jubilait.
Oh, contrairement à ce qui se disait sur Lui, Il n’appréciait pas tant la guerre. Oui, Il était le Sang, le Maudit – mais cela représentait autant la Vie que la Mort, ou le lien inaltérable entre les deux… Cependant, il s’agissait là d’une vengeance. Personne ne s’en prenait à un Élément sans en subir les conséquences et, puisque ceux qui l’avaient enfermé étaient morts depuis longtemps, Saâgh se vengeait sur la race des dragons dans son entièreté.
Cela fonctionnait très bien. Il maîtrisait l’art de la manipulation depuis longtemps et, à présent que les hostilités étaient lancées, il Lui suffisait d’entretenir la haine pour que les combats continuent. C’était presque aussi facile que ce que Ketosaï avait inventé pour les anges et les démons – l’exploitation d’une faille déjà présente, d’un manque latent de communication et de confiance.
Saâgh se sentait d’autant plus satisfait que les dragons avaient, pour combattre, mis leur fierté et leur fichu Équilibre de côté. Leurs ancêtres seraient horrifiés de voir les extrémités auxquelles les différentes factions arrivaient. C’était presque trop facile.
Saâgh n’oubliait cependant pas Son autre ennemi, celui qui avait lancé le sort qui L’avait scellé : Gabriel. Les anges étaient protégés par Lyth mais après tout, n’était-Il pas un serviteur de Sei ?
L’Élément ricana dans Son jeune corps de ska et Se leva, gouttant de sang. Si Sei L’entendait, Il en serait vert. Il n’avait jamais été capable de contrôler le Maudit. Les seuls qui étaient jamais parvenus à lui faire entendre raison étaient Krro, l’Injustice, et Shyin, la Mort. Aucun des deux ne l’avait fait pour des raisons recommandables.
Saâgh alla rejoindre le groupe de dragons énervés qui s’agitait dans la salle adjacente. L’un de ses membres s’était lancé dans un grand discours sur les valeurs de leur race, applaudi par les autres qui tapaient le sol de leurs pattes pour montrer leur approbation. Depuis l’ombre, Saâgh sourit. Bientôt, il ne resterait rien de la civilisation dont ils avaient été si fiers.
« Les elfes nous ont encore envoyé un message, s’exaspéra un dragon en se tournant vers Lui. Ils ne comprennent donc pas que nous sommes occupés avec un débat philosophique de la plus haute importance ?
— Ne leur en demandez pas trop, sourit Saâgh. Ce ne sont que des elfes. »
Certains de leur supériorité sur tous les êtres vivants, les dragons hochèrent la tête. L’Élément n’avait jamais compris comment les elfes, créatures raffinées et éduquées, acceptaient d’être traités si mal par leurs voisins, allant presque jusqu’à les diviniser.
« J’ai entendu dire qu’un de leurs princes expérimentait sur l’être vivant, intervint un dragon aux écailles bleues. Ils changent la nature même de la vie.
— Si tel est le cas, ils ne valent pas mieux que les ska, déclara le chef du groupe, et ceux-ci ne sont que des charognards incapables de survivre sans parasiter les autres espèces. »
Le point de vue des dragons sur Ses enfants n’aidait pas Saâgh à être complaisant. Tant mieux ; cela ne mettrait pas de frein à Sa vengeance.
« Certainement, vous ne pouvez en tenir rigueur aux ska. Après tout, ils sont nés ainsi. Les elfes, par contre… »
Il n’eut pas besoin de terminer sa phrase ; le groupe opinait déjà d’un air important.
« Ce genre de pratique contre-nature devrait être interdit. Malheureusement, nous sommes occupés avec nos propres affaires, bien plus importantes. »
Saâgh hocha la tête à Son tour, sans que personne ne réalise la froideur de Son sourire.
***
La rage de Nataos masquait mal son inquiétude. Kawa avait été emmené en urgence auprès des médecins du palais mais ils ignoraient s’ils pourraient sauver son œil et, malgré leur art, ils n’étaient pas à la hauteur des guérisseurs angéliques qui soignaient les plaies presque instantanément.
Il avait fait mettre le démon aux fers mais n’avait que trop conscience que sa situation était bancale ; la cour les avait vu combattre, tous pouvaient témoigner que c’était sa lame qui avait accroché le visage de son frère. Qu’il ait été déséquilibré par un imbécile n’entrait pas en ligne de compte. Les partisans de Kawa allaient hurler au meurtre si celui-ci décédait.
Le prince avança vers la fenêtre pour se donner une contenance. Son père et sa mère n’allaient plus tarder. Il leur avait envoyé un messager mais le couple royal ne pouvait pas se précipiter auprès d’eux comme des simples roturiers et, de toute façon, ils se rendraient d’abord au chevet de Kawa.
Cet idiot avait intérêt à rester en vie !
Nataos prit une profonde inspiration. Il n’avait jamais eu l’intention de se débarrasser de son rival, aussi embarrassante que soit sa présence entre lui et le trône. Un meurtre le disqualifierait plus sûrement que si Kawa restait en vie. Il espérait à présent que, en plus de vivre, il accepterait de laisser son démon de compagnie porter seul la responsabilité de la situation. Nataos n’était pas certain de pouvoir l’en convaincre ; après tout, Kawa tenait une occasion en or de l’éloigner en lui offrant, par exemple, la gestion d’une ville de frontière, qui le tiendrait à l’écart de la scène politique.
Finalement, la porte s’ouvrit. Nataos s’inclina devant son père, puis baisa la main que sa mère lui tendit.
« Comment va-t-il ?
— Il n’est pas encore conscient, déclara Sylve, mais les médecins sont optimistes quant à ses chances de survie. La cicatrice sera horrible cela dit, et ils ne sont pas sûrs pour son œil. »
Défiguré ? Ce serait un moindre mal, même si Nataos ne doutait pas que Kawa y verrait un rappel constant de leur rivalité – qui risquait dès lors de passer au stade de guerre ouverte.
« Je suis heureux d’entendre qu’il s’en sortira. Père, demanda-t-il en se tournant vers le Roi, que comptez-vous faire au sujet de ce domestique ?
— Il a détourné ta lame, c’est bien cela ?
— Plusieurs nobles et la moitié des serviteurs du palais pourront en témoigner. Néanmoins, je doute qu’il ait pensé à mal ; il s’agit d’un malheureux accident. »
Le Roi fronça les sourcils.
« Un accident qui a failli coûter sa vie à mon héritier.
— Ce démon n’avait rien à faire ici en premier lieu ! s’écria Sylve.
— En effet. Dans ce cas, il ne nous reste plus qu’à le pendre. »
Nataos hésita. En soi, il était plutôt d’accord avec l’affirmation de sa mère mais Arkim s’était montré distrayant et n’avait pas voulu provoquer cette catastrophe.
Il courrait un risque s’il le laissait s’en sortir : les nobles devaient comprendre que le démon était le seul coupable. Cependant, s’il le faisait exécuter, Kawa lui en voudrait d’autant plus.
Il inclina la tête pour attirer l’attention de Ceyn.
« Excusez-moi, mais je pense qu’il faudrait faire preuve de clémence. Une exécution serait un châtiment trop fort pour une simple maladresse. Par contre, l’exil… »
Sylve, de qui il tenait son esprit retors, sourit en comprenant ce qu’il essayait de faire. Elle prit néanmoins garde de ne pas intervenir avant que son époux ait pris sa décision – Ceyn détestait qu’on tente de l’influencer.
Il ne tarda d’ailleurs pas à acquiescer.
« Cela nous épargnerait d’éventuelles représailles venant des démons. Après tout, ce domestique est l’un d’entre eux.
— Les membres de la délégation envoyée par Pandémonium l’avaient défendu la dernière fois, rappela Sylve.
— Il s’agit du même enfant ? s’irrita Ceyn. Kawa s’est trouvé un serviteur bien maladroit. »
Mais aussi très efficace lorsqu’il s’agissait de surprendre les conversations secrètes ou de se lier si bien à la domesticité qu’il apprenait tout ce qui se passait dans le palais en un temps record. Nataos se retint de sourire. Si Kawa montait sur le trône, il rappellerait Arkim aussitôt.
Il le ferait peut-être lui-même s’il obtenait la couronne. Le jeune démon serait un fleuron presque aussi jouissif que le titre de Roi d’Hedyrn – ou de Roi des Elfes.
« Merci pour votre magnanimité, Père.
— Ne me remercie pas trop vite. Ma chère, ne devrais-tu pas rejoindre le chevet de Kawa ? Je suis certain que de nombreuses dames seront ravies de t’y tenir compagnie. »
La reine pinça les lèvres mais fit la révérence et se retira. Dès que la porte se fut refermée, Ceyn perdit son masque de froideur et de retenue.
« Par Nemess, que s’est-il passé ?
— Il s’agit vraiment d’un accident, père…
— Oh je ne doute pas que la demi-douzaine de tes partisans qui étaient présents sera prête à l’affirmer la main sur le cœur ! »
Les épaules de Nataos se tendirent.
« Je ne l’aurais pas touché sans l’intervention du démon.
— Je me demande si je dois encore t’écouter. Peut-être devrais-je également renvoyer ces vampires que tu héberges. Les négociations avec Pandémonium ont assez avancé pour que nous n’ayons pas besoin de leur présence.
— Cela n’a rien à voir ! Les Améliorés sont nécessaires ! » s’écria Nataos, avant de réaliser qu’il n’aurait pas dû perdre son calme.
Le Roi le dévisagea, méprisant.
« Je suis encore vivant, sais-tu ? lui fit il remarquer, glacial. Et après moi, c’est ton frère qui règnera. Tu n’as pas à contester mes ordres. »
Cela faisait des années que le prince savait cela, depuis la naissance tant fêtée de son frère, béni de Nemess. Il aurait dû s’y habituer. Pourtant, il tolérait mal d’être remis ainsi à sa place.
Son père vit la rage passer sur son visage et y répondit en se faisant plus froid encore.
« D’autres protestations ?
— Non.
— Tu n’hériteras jamais du trône, Nataos, peu importe combien tu intrigues. Tu m’as bien compris ?
— Oui », répondit-il un peu sèchement.
Ceyn n’apprécia pas, bien entendu. Jusque là, la désignation de Kawa comme héritier était restée la seule démonstration flagrante de favoritisme, mais les récents évènements semblaient changer cet état de fait.
« Tu as failli tuer ton frère et je doute qu’il s’agisse d’un accident, siffla-t-il. Si tu ne veux pas l’avouer, je te ferai au moins admettre à voix haute que tu ne seras pas roi ! »
Nataos se raidit davantage. Il fallait calmer le jeu ; il aurait dû maîtriser ses nerfs. Laisser ses émotions le guider ne menait jamais à bien.
« Père… tenta-t-il.
—- Je t’interdis de m’appeler ainsi ! »
Les mots restèrent suspendus entre eux, presque palpables. Nataos sentit une vague de rage mêlée de douleur le traverser.
« Que voulez-vous dire ? dit-il du ton le plus calme qu’il put garder.
— Tu le sais très bien », déclara Ceyn sans ciller.
Le prince avait espéré voir le Roi reculer dans son affirmation – après tout, elle n’avait jamais été vocalisée. Au lieu de cela, il acheva sa pensée, l’exprimant jusqu’au bout :
« Si ça se trouve, tu n’es même pas mon fils. »
Ils n’échangèrent plus un mot. Après quelques instants de silence, Ceyn sortit pour rejoindre son épouse au chevet de Kawa. Nataos se laissa tomber sur une chaise, avant de se relever aussitôt – il ne pouvait pas se permettre de montrer la moindre faiblesse tant que son frère ne serait pas sur pieds. Un domestique risquait d’entrer et les rumeurs couraient vite, au palais.
Il n’avait pas vraiment mal – il n’avait jamais été proche de Ceyn, contrairement à Kawa qui avait toujours tout fait pour l’impressionner. Nataos était le protégé de leur mère, son préféré, qu’elle chérissait alors qu’elle ne montrait que froideur envers son cadet. Le favorisait-elle parce qu’il lui rappelait un amant perdu ?
Nataos l’avait toujours entendu dire, bien sûr. Lui et son frère se ressemblaient, mais il s’agissait de traits tirés de leur mère et leurs étranges cheveux noirs les rendaient fort similaires aux yeux des elfes habitués à la blondeur. Nataos n’avait ni les traits virils de son cadet, ni sa bouche pleine. Au lieu de cela, il était doté d’un visage mince et d’un sourire qui paraissait moqueur même lorsqu’il riait sincèrement – ce qui arrivait peu, il devait l’avouer. De plus, bien entendu, il y avait ses pouvoirs de nécromancie, que personne n’avait jamais possédés dans leur famille de mémoire d’elfe.
Cela dit… Il avait toujours cru qu’il s’agissait de rumeurs de commères. Après tout, il avait les cheveux noirs de la lignée, si rares chez les elfes. Pourtant, son père – le Roi – pensait autrement.
Comment pouvait-il lui en vouloir pour ça ? Il n’avait rien fait ! Qu’il soit la preuve vivante de l’infidélité de Sylve était sans doute pénible, mais il n’avait commis lui-même aucun crime. Si Ceyn ne savait pas faire preuve de discernement à ce sujet – eh bien, il ne méritait pas son titre.
Une froide détermination s’empara de Nataos. Ainsi, il voulait lui faire dire à voix haute qu’il n’aurait jamais le trône ? Il voulait peut-être même y placer Kawa avant sa mort, tant qu’il y était ! Eh bien, il ne lui en laisserait pas le temps.
Le prince se recomposa et sortit de la pièce d’un pas sûr. Il alla prendre des nouvelles de son frère auprès des médecins – distillant juste ce qu’il fallait de sollicitude pour être crédible – puis discuta avec deux ou trois nobles, et enfin se retira dans ses appartements. Alors, et seulement alors, il fit appeler Leyn.
Il allait régler son problème une fois pour toutes.
***
Arkim ne s’était jamais senti aussi lourd ; il avait l’impression qu’un collier de plomb avait été posé sur son cou. L’exil lui semblait intolérable.
Il savait que le Roi lui faisait une faveur. Même si Nataos avait causé la blessure de Kawa, il était impensable qu’il en endosse la responsabilité et Arkim devait admettre que s’il n’avait pas été là, l’incident ne se serait peut-être pas produit – ne fût-ce que parce que le combat n’aurait pas eu lieu.
Il aurait pu être exécuté. Le garde qui lui avait apporté la nouvelle de sa sentence, le libérant de ses chaînes pour qu’il puisse aller chercher ses affaires, avait précisé qu’il ne devait son salut qu’à l’insistance du prince.
Il se demandait pourquoi Nataos avait agi ainsi. Il avait manqué une occasion de se débarrasser de lui, après tout ce temps à lui mettre des bâtons dans les roues… S’il voulait s’épargner la colère de Kawa, une mauvaise surprise l’attendait. Le cadet des princes serait furieux en apprenant son départ… raison pour laquelle il se dépêchait, priant Sei – il renonçait à Nemess pour l’instant – pour qu’il ne se réveille pas avant qu’il ait quitté la ville.
Pas que le démon aille rejoindre les siens de gaieté de cœur ; il n’avait jamais mis les pieds hors d’Hedyrn. Kawa ne pourrait malheureusement rien obtenir de mieux de la part de son père – sauf des ennuis, qu’il avait déjà en quantité suffisante.
Arkim emballa ses affaires – quelques vêtements, une dague, son épée – et griffonna un mot sur un bout de papier, qu’il plia en petits morceaux jusqu’à pouvoir le faire entrer dans un interstice du mur. Catlyna était en mission, il n’aurait pas l’occasion de la voir avant son départ. Or, il doutait que le garde accepte de lui passer un message : lui était un traître démon et Cat une drow. Que les elfes et leur bigotisme soient maudits.
Il rouvrit la porte, où son escorte armée l’attendait. Ils l’accompagnèrent jusqu’aux portes du palais puis traversèrent la ville sous les regards curieux des passants trop polis pour poser des questions. Ils auraient leurs réponses bien assez tôt – un édit serait déclamé le lendemain devant la population.
Une wyverne fut mise à sa disposition à la sortie de la cité. Les poches de sa selle contenaient une carte du Cercle et plusieurs bouteilles de sang fermées par un bouchon de cire. Arkim y reconnut la trace de Jhael et le remercia mentalement.
Il fit décoller sa monture sous le regard fixe des gardes. Grâce à sa carte, il ne mit que quelques heures à arriver au point-relais installé depuis le début des négociations avec les démons – et qui, plusieurs dizaines de Cercles plus Bas, le mena à Pandémonium. On lui donna une autre wyverne – il avait dû abandonner la sienne dans le Cercle d’où il venait, se laissant tomber seul dans l’horrible Entre-monde, une expérience qu’il espérait ne pas devoir réitérer – et à la tombée de la nuit, il arrivait en ville.
Nemess, que l’endroit était impressionnant ! Il se sentait comme un insecte devant la taille immense des montagnes. La cité était tout aussi titanesque, bien plus grande qu’Altayn, bien plus bruyante – et dégageait une odeur animale que seule pouvait créer une grande concentration d’êtres vivants. Les grands bâtiments s’alignaient dans les rues, survolés par des dizaines, des centaines de personnes, qu’Arkim regarda avec fascination.
Les démons qui l’accueillirent le traitèrent avec un amusement teinté de fierté et lui indiquèrent sans difficulté la demeure de Lanek. Arkim se sentait embarrassé de s’y présenter sans prévenir, surtout à une heure si tardive. Cependant, lorsque la porte s’ouvrit sur le grand démon, il eut les larmes aux yeux tant son soulagement était grand.
« Arkim ? s’exclama Lanek, incrédule.
— Salut… Désolé de débarquer comme ça. Je…
— Tu as des ennuis, compléta le démon en s’écartant pour le faire entrer. Tu as de la chance, les restes du dîner encombrent encore la cuisine. Oh, non… J’oubliais. Mais entre, entre ! Ne reste pas dehors. »
Arkim lui fit un sourire penaud. Il fut introduit dans un grand séjour au milieu duquel s’érigeait une cheminée imposante. Des fauteuils en osier étaient disposés autour, couverts de coussins confortables. Lanek s’y installa et lui fit signe de l’imiter.
« Alors, que s’est-il passé ? »
Avec un lourd soupir, le jeune homme entama son récit.