Chroniques d'un cycle : Les Orphelins

Chapitre 14

« Le livre des lois suprêmes sert de Constitution, et a été rédigé par le premier Roi Rouge, Ketjiko. Il n’a que rarement été amendé. Tout amendement nécessite l’unanimité de la Ronde et du Prince Noir, après consultation des familles indépendantes. C’est le seul cas dans lequel le Prince Noir possède le droit de vote. »

 

– Livre des Loi suprêmes d’Ambrosis : tome 2, Reine Rouge Nysâh –

 

Kawa était arrivé avec des sentiments mitigés. Il était heureux que les démons soient enfin intervenus, mais n’était pas certain d’apprécier leur présence conquérante en territoire elfique, sans parler de celle de ces anges, qui n’avaient rien à faire là. Il se morigéna à cette pensée. Enngyl lui avait fait la leçon pendant une bonne heure, lui rappelant à quel point Krro les avait effrayés. Anges et démons devaient être traités sur pied d’égalité, tant qu’ils se comportaient correctement, ou ils ne s’en sortiraient jamais.

Sa chère cousine l’avait suivi. Ils avaient laissé Jhael à la tête de leur armée, toujours stationnée à Altayn bien qu’un petit détachement les ait accompagnés pour constater la défaite de Nataos. Arkim s’était joint à eux sans demander leur avis, Catlina sur ses talons – à croire que la drow était incapable de penser par elle-même. Qu’avait-elle à faire toujours dans ses pattes ?

Kawa chassa une nouvelle fois sa mauvaise humeur et essaya d’ignorer les démons affalés un peu partout et les anges patrouillant sur les murs d’une ville elfique, engoncés dans leurs vêtements blancs. Si le Haut Conclave les voyait… Il frissonna d’horreur.

Sans parler de Belzébuth. À présent qu’il avait rencontré l’homme en personne, il comprenait mieux pourquoi il n’était pas intervenu plus tôt. Ce butor n’avait pas le moindre sens de la politique et moins encore de délicatesse. Comment les démons se laissaient gouverner par un type aussi peu fin, Kawa ne le comprenait pas. Ils étaient certes brouillons mais pas stupides ! Les courriers qu’il avait échangés avec Lucifer prouvaient que ce dernier était une personne brillante, et Lanek lui-même s’était montré des plus courtois.

Un thé chaud se matérialisa sous son nez. Le roi leva les yeux pour croiser le regard pétillant d’Arkim et accepta la tasse avec gratitude. Au moins, toute civilisation n’était pas perdue. Un bain terminerait de le convaincre.

Malheureusement, avant qu’il puisse profiter de ce plaisir inattendu, Enngyl entra sans prendre le temps de toquer.

« Astaroth a fait une suggestion intéressante.

— Il sait parler ? »

Elle fronça les sourcils.

« Cesse de médire. Il est sauvage, mais loin d’être idiot. Et il m’a dit que nous devrions jeter un coup d’œil aux prisonniers.

— Parce que nous devons faire leur travail à leur place, maintenant ? »

Enngyl vint s’arrêter à une main de lui, poings sur les hanches.

« Arrête de râler et comporte-toi un peu en roi ! »

Kawa se redressa, honteux, et elle approuva d’un hochement de tête.

« Mieux. Et, donc, il me disait que nous devions vérifier si nous ne reconnaissions personne. Les démons ne sauraient pas différencier un noble d’un drow, sans parler du fait que, en dehors des Améliorés, il n’y a pas moyen de faire une différence entre nos deux camps. »

Kawa posa sa tasse avec un soupir, sans goûter sa boisson ; cela serait la gâcher pour rien.

« Il a raison, bien sûr. Allons-y.

— Doit-on vous accompagner ou préparer vos appartements pour la nuit ? » demanda Arkim.

Kawa réfléchit.

« Mieux vaut que vous veniez, vous connaissez les alliés de Nataos, au moins de vue. Je n’aurai qu’à patienter un peu avant de me coucher. »

Ils sortirent donc en groupe, la drow sur leurs talons. Cette fois, elle se rendrait utile ; elle devait mieux connaître les alliés de Nataos qu’Arkim, qui était resté enfermé.

Les prisonniers n’étaient pas si nombreux, la plupart des habitants ayant juste été assignés à résidence alors que leurs maisons étaient fouillées par des anges froids mais polis. Seuls les gardes étaient aux arrêts, ainsi que ceux qui avaient tenté de fuir la ville plutôt que de se réfugier chez eux. Ils étaient stationnés en groupe dans la cour qui bordait le quartier général pour plus de facilité : cela évitait de disperser les veilleurs.

Les vampires étaient tenus à l’écart. La capture de Skady avait été un grand succès, bien que Kawa soit secrètement déçu que Nama ne soit pas en vue. Après tout, c’étaient ses recherches qui avaient fait débuter tous ces problèmes, pas l’intervention tardive de son père.

Ils marchèrent le long des prisonniers, leur faisant relever la tête un par un. L’opération était rébarbative mais nécessaire. Kawa repéra deux nobles qui s’étaient alliés à Nataos et qu’il fit aussitôt transférer à l’écart des autres. Après cela, les minutes s’étirèrent, longues et ennuyeuses, alors qu’ils scrutaient des visages inconnus et banaux, souvent emplis de ressentiment. Y faire face n’était pas facile, aussi le jeune roi se concentrait-il sur la monotonie de la tâche tout en s’efforçant de garder une expression froide et composée.

Alors qu’ils arrivaient dans le dernier groupe, il repéra un homme au visage masqué par une capuche qui gardait la tête baissée, abattu, à demi appuyé contre son voisin d’infortune. Les prisonniers avaient les mains attachées dans le dos et avaient été dépouillés de leurs armes, puis forcés de s’asseoir en tailleur, alignés, pour permettre aux gardes de circuler parmi eux. Il ne leur était pas permis de s’allonger pour dormir ; ce n’était pas le premier qui flanchait.

Néanmoins, quand Kawa arriva à sa hauteur, il fronça les sourcils.

« Redressez-vous. Vous êtes un elfe ! Un traître sans honneur, certes, mais un elfe malgré tout. »

L’homme se détacha lentement de son voisin et releva un peu les épaules. Ses vêtements étaient crasseux et portaient des marques d’armure – qui avaient été enlevées en même temps que les armes. Ses bottes, cependant, étaient de qualité, bien que le vernis disparaisse sous la poussière.

Le roi fit un signe de tête à Enngyl, et celle-ci tira d’un coup sec sur la capuche de l’homme pour la lui enlever. Elle ne changea pas d’expression. Kawa bien.

Nataos les regardait d’en bas sans ciller.

Une foule de questions se bousculèrent dans la tête du roi. Comment son frère avait-il capturé ? Comment avait-il pu ne pas être reconnu ? Avait-il réellement espéré s’en sortir en se cachant ? Quelle lâcheté ! Le pire restant que cela aurait été possible si les anges et les démons avaient été plus rapides à déplacer les prisonniers, ou si lui-même ne s’était pas rendu sur place si tôt après la fin des combats.

Nataos resta neutre, se contentant de le fixer, blasé. Enngyl ne dit rien mais fronça les sourcils vers Arkim et la drow pour qu’ils ne réagissent pas. Kawa comprit qu’elle lui laissait la décision : s’il le souhaitait, il pouvait se taire. Nataos serait alors emmené avec les autres puis recommencer sa vie ailleurs. Tout le monde le croirait mort. Ce serait terminé, sans qu’il n’ait à commettre un fratricide.

Sauf que, s’il le laissait partir, Nataos recommencerait dès qu’il en aurait l’occasion. Kawa connaissait son frère : jamais il ne renoncerait à la couronne. Le pouvoir seul l’intéressait. Il suffisait de voir ce que son ambition avait provoqué ! Sans parler de la morale corrompue qu’il promouvait.

Il n’y avait pas matière à hésiter.

« Mettez celui-ci à part. Il s’agit de l’instigateur de la rébellion, Nataos. Vous voudrez sûrement l’interroger, il doit avoir côtoyé Krro de près. »

 

***

 

Nysâh était nerveuse et elle détestait ça. À Ambrosis, elle maîtrisait la situation, du moins elle en donnait toujours l’impression. Certes, les Doyens se rebellaient, mais ils ne dépassaient jamais certaines limites tacites sous peine de se faire éviscérer en public. Une façon polie d’inviter leurs Maisons à leur trouver des successeurs. Même Skady ne l’avait pas agressée directement.

Alors que là, elle accompagnait Saâgh dans un nid de serpents. Que ce soit elle qui sache siffler, et non pas les anges ni les démons, ne changeait rien à la validité de sa comparaison. Ils allaient la tailler en pièces.

Belzébuth détestait les vampires, quand il ne se contentait pas de les mépriser. Quant aux anges… Lorsque Saâgh l’avait prévenue que Gabriel était présent, elle avait failli revenir sur sa décision. Cependant, être Reine impliquait plus de devoirs que de plaisirs. Elle ne pouvait pas laisser Skady entre leurs mains – ne fût-ce que parce qu’elle voulait lui arracher la tête elle-même.

La voilà donc qui se dirigeait vers une ville remplie d’ennemis pour entrer en pourparlers. Si, au moins, elle avait un allié à ses côtés ; mais Ajven devait rester à Ambrosis pour servir de régent, et elle ne faisait confiance à personne d’autre – surtout pas à Saâgh. Seuls les fous et les désespérés espéraient que le Maudit vienne à leur aide. Pas les ska, et certainement pas les reines.

« Halte ! »

Ils se trouvaient encore à plusieurs mètres des portes mais la suspicion des anges n’étonna guère Nysâh. À leur place, elle aurait envoyé des patrouilles quadriller la zone et se serait assurée d’avoir un chemin de retraite viable. Évidemment, ses combattants à elle n’avaient pas la chance d’être dotés d’ailes.

L’un des gardes s’envola pour venir se poser à quelques pas d’eux, les tenant à distance respectable avec une lance au manche doré. Nysâh espéra pour lui qu’elle n’était pas en or massif – mais, sans doute, même les anges n’étaient pas si stupides.

« Qui êtes-vous et que venez-vous faire ici ? »

Elle fit un pas en avant.

« Je suis Nysâh, Reine Rouge d’Ambrosis, et j’exige de voir Belzébuth et Michaël au plus vite. »

Elle avait parlé de son ton le plus arrogant, mais il ne fit même pas ciller l’ange.

« Quelles preuves ai-je ?

— Ayez un peu de respect ! rétorqua-t-elle, glaciale. Si vous me laissez entrer pour parler à mes pairs, eux me reconnaîtront. »

Il ne parut pas convaincu, mais abandonna ses investigations à son sujet pour se tourner vers son compagnon.

« Et vous ? »

L’aura gigantesque du Sang se déploya, envahissant la clairière, le chemin, atteignant jusqu’à l’orée de la forêt et le rebord de la muraille, nonchalante mais immensément puissante.

« Je suis Saâgh. Où sont Belzébuth et Michaël ? »

L’ange était livide et Nysâh réprima un sourire. Il semblait que les Éléments aussi aiment être traités avec respect.

 

***

 

Arkim se tenait un pas derrière Kawa, soigneusement insignifiant, et écoutait de toutes ses oreilles. Leur petit conseil de guerre s’était entassé dans une salle au plafond bas, éclairée par quelques runes tracées par Saraqael. Néanmoins, comme Essiah était couché, celles-ci luisaient à peine ; il aurait aussi bien pu s’agir de bougies. Au moins l’absence de feu évitait-elle que l’espace soit enfumé en plus d’être restreint.

Belzébuth avait pris place en tête de table, flanqué par Lucifer et Astaroth à sa droite, par Kawa, Saraqael et Gabriel à sa gauche. Ce dernier avait un air pincé et était bien plus impressionnant que quand Arkim l’avait rencontré. À vrai dire, à présent qu’il l’avait vu combattre, l’archange de la Pureté l’épouvantait – comme tous les autres, et les archidémons aussi. Leur puissance était démente.

Mais elle n’arrivait pas à la cheville de Celui qui leur faisait face à tous, un petit sourire en coin aux lèvres. Saâgh. Le Sang. Le Maudit. Tant d’histoires étaient racontées sur Son compte ! Arkim ne savait pas s’il devait être fasciné ou terrifié.

Quant à celle qui se tenait à Ses côtés… rien de moins que la Reine Rouge d’Ambrosis. L’ennemie jurée des démons de sang. Le jeune homme en avait rencontré quelques-uns lors de ses six mois à Pandémonium, et il avait été leur parler timidement, curieux de leurs coutumes et de leur histoire. Tous avaient un regard haineux quand ils parlaient des vampires, et ils crachaient quand ils prononçaient le nom de Nysâh.

Comment avait-il fait pour se retrouver entouré de ces personnages de légende, lui, le petit voleur de rue miteux ?

« Il paraît que vous vouliez me parler. »

Belzébuth était toujours railleur, de ce qu’Arkim avait vu, mais cela ne l’empêcha pas de tressaillir. Il manquait de respect à son hôte, un Élément ! Peut-être était-Il venu leur annoncer à tous qu’Il voulait les détruire, mais comptait jouer avec eux avant ! Peut-être était-Il envoyé par Krro !

Le vampire, cependant, Se contenta de glousser.

« Rien ni personne ne peut t’impressionner, n’est-ce pas ? Eh bien oui, je voulais te parler, à toi et aux autres. »

Saâgh agita la main vers les archanges.

« Je suppose que Michaël écoute ?

— Je lui transmets notre conversation », confirma Saraqael avec un froncement de sourcils.

Personne ne parut en être étonné. Arkim était sûr que Kawa au moins devait se poser des questions.

« Je ne suis pas l’allié de Krro, commença Saâgh. Bien sûr, vous n’en avez aucune preuve, vous devrez me croire sur parole. »

Belzébuth renifla, Saraqael prit un air dubitatif. Gabriel, lui, haussa carrément les sourcils.

« Vous ? Vous pensez vraiment que nous ferions confiance à un Élément-servant de Sei ?

— Vous vous êtes bien alliés avec Ses créatures. Par ailleurs, J’emmerde Sei. »

L’archidémon des Ténèbres et l’archange de la Pureté eurent une expression si semblable de choc horrifié qu’Arkim faillit se laisser aller à rire. Heureusement, personne ne le regardait : il était un serviteur, il faisait partie du décor.

« Après quelques cycles, continua Saâgh, on cesse de vouloir faire plaisir à papa et on commence à prendre ses propres décisions. Même Essiah a arrêté d’aller pleurer dans les jupons de Sa mère, et ce n’est qu’un gamin pourri gâté.

— Voilà qui ne me surprend guère, commenta Saraqael, faisant s’étrangler Gabriel à nouveau. Quoi ? s’amusa-t-il. De ce que j’ai pu voir, les Éléments ne sont pas les êtres les plus matures de la création. »

Saâgh fit la moue, mais quand tout le monde constata que l’archange du Soleil n’avait pas été réduit à un tas de graisse fumant, l’atmosphère se détendit.

« Pas l’allié de Krro, donc ? intervint Kawa, s’attirant un regard vexé de Belzébuth qui aurait voulu mener seul la conversation. Pourtant, vous avez été vus ensemble.

— Peut-être connaissez-vous la comptine ? »

Le changement de sujet interloqua Arkim. Certainement, Il ne voulait pas juste manquer de respect à un roi elfe ?

« Je suis sûr que si, insista Saâgh. " Le Néant ne dura pas : alors, le Temps n’existait pas encore. "

— C’est une histoire pour enfants…

— " Il n’y avait rien, et en un instant, il y eut quelque chose ", continua l’Élément.

— " Création regarda le Vide et Lui dit : ‘Je vais Te combler’ ", cita Saraqael en pâlissant. Oui, nous la connaissons, et si ce n’est pas juste une histoire…

Chaque cycle Néant finit par gagner ". C’est un avertissement, confirma Saâgh. J’ai vécu de nombreux cycles, et vu bien plus de mondes que ceux que vous connaissez. Toujours, toujours Niéh Se réveille et détruit l’entièreté de la création. N’espérez pas Lui survivre ; personne n’y est jamais parvenu. Mais Création ressurgit du vide et Nous fait réapparaître, Notre mémoire intacte. Nous construisons un autre monde. Puis tout recommence. »

Arkim se rattrapa à la chaise de Kawa pour compenser une faiblesse dans ses genoux. Personne ne sembla le remarquer ; tous étaient trop stupéfaits pour se préoccuper du malaise d’un domestique.

Le jeune démon rationalisa au mieux. Après tout, il y avait peu de chances que Niéh S’éveille de son vivant, et personne n’avait jamais songé que les Trois Mondes étaient éternels. Ils étaient juste supposés exister très, très – et d’autres superlatifs qui, pour l’instant, ne lui venaient pas à l’esprit – très longtemps. Disons, assez pour que, du point de vue d’un simple démon, ils soient éternels.

Au final, tant que leur destruction ne survenait pas de son vivant, cela revenait au même. Arkim savait cette pensée égoïste. Cependant, elle était aussi vraie : que tout le malheur possible arrive deux ans ou deux siècles après la mort de quelqu’un ne changeait pas grand-chose pour cette personne, sauf si bien sûr, elle laissait derrière elle des amis, des enfants, voire des parents.

En scrutant les visages blêmes qui l’entouraient, il réalisa que, pour les archanges et les archidémons, cette menace n’était pas du tout amoindrie parce qu’elle était lointaine. Eux pensaient vivre toujours ; seule la récente mort de Léviathan avait ébranlé cette certitude. Ils seraient là pour voir Niéh Se réveiller et lutteraient contre Lui pour L’empêcher de détruire leurs terres… et pour survivre.

« Vous voulez dire que le Néant S’est incarné ? demanda Saraqael, premier à se reprendre.

— Oui. »

Saâgh fit craquer sa nuque, sourcils froncés.

« Mais ce n’est pas si grave. Niéh peut S’incarner plusieurs fois sans pour autant réaliser qui Il est. C’est Sa nature, vous voyez ? Elle est nulle, pour ainsi dire. Quand Son Être intègre de la matière, Il oublie forcément son identité réelle.

— Vous voulez dire que le Néant étant l’opposé de la Matière, Il disparaît au contact de celle-ci », résuma Lucifer.

Saâgh acquiesça.

« Très bien tourné.

— Pourtant, Il finit toujours par S’éveiller, réfléchit Gabriel à voix haute. Est-ce juste parce que l’éternité est, par essence… longue ? Une probabilité non nulle finit par survenir à un moment ou un autre…

— On pourrait dire ça, mais ce n’est qu’une partie de la vérité. Quelqu’un est chargé de veiller à ce que Niéh Se souvienne ; ou, plus exactement, Niéh est très sensible à un autre Élément.

— L’Injustice, termina Saraqael en reniflant. Vous finirez par nous dire que le Néant est un Élément altruiste. »

Saâgh eut tout à coup l’air très fatigué. Son visage restait juvénile mais Son expression, Ses yeux, la façon dont Ses épaules se voûtaient Lui faisaient accuser d’un coup Son véritable âge, non pas ancien mais antique, éternel. Arkim frissonna.

« Je pense qu’Il l’est, à Sa façon. Parler à Néant est impossible, même pour Nous, mais à force de cycles Je Me suis fait une idée de la façon dont Il réfléchit. Il ne veut pas causer la douleur, vous voyez ? Il veut l’arrêter. Il veut arrêter la peine, l’injustice, le mal, tout cela… et Il définit le bonheur par l’absence de malheur, la paix par l’absence de guerre. Vous voyez le tableau. »

Aux yeux de Niéh, l’univers pouvait vivre sans douleur en l’absence de tout, dans le Vide. Cette idée glaça Arkim, entre autres parce qu’elle paraissait à la fois si horrible et si vraie. Même les elfes, pourtant êtres des plus civilisés, n’étaient pas parvenus à empêcher toute guerre, tout crime – et ils étaient bigots, ce qui faisait souffrir des gens.

Est-ce que Néant avait raison ?

« C’est ridicule, s’agaça Saraqael. Le bonheur absolu n’existe pas. Dernièrement, j’en suis venu à penser que le Bien et le Mal n’existaient pas non plus.

— Comment oses-tu… ! »

L’archange du Soleil balaya la protestation de Gabriel d’un revers de la main.

« Ne connais-tu pas la suite de la comptine ? Donc, les deux premiers représentèrent l’Un et l’Autre, et Ils Se nommèrent Eux-mêmes, et décidèrent de Se détester ". Création n’a pas voulu qu’Ils soient le Bien et le Mal ; ce sont Eux qui l’ont décidé ainsi.

— Ne croyez pas tout ce que dit cette chansonnette, dit Saâgh. Avec le temps, elle comporte de plus en plus d’erreurs.

— Mais ma remarque au sujet de Sei et Lyth est correcte, n’est-ce pas ? »

L’Élément pencha la tête de côté, pensif, puis acquiesça. Gabriel blêmit ; les archidémons ne semblaient pas beaucoup plus enthousiastes.

« Ne faites pas cette tête, dit Saraqael en roulant des yeux. Le Bien et le Mal sont des notions que nos Éléments-maîtres ont construites sur base de leurs propres personnalités. Donc, quelque part, ils existent, juste pas de manière aussi absolue que nous le pensions. Belzébuth, ton sens de l’honneur serait déplacé chez une créature purement maléfique.

— Sans doute, mais… »

Kawa se leva et tapa un grand coup sur la table.

« Il suffit ! Je comprends que la perte de vos illusions soit douloureuses, mais gardez-les pour après la réunion ! Je vous rappelle qu’on vient de nous annoncer que Krro voulait éveiller Néant et que Celui-ci était incarné ! »

Le roi elfe, plein de superbe, se tourna vers Saâgh.

« Je suppose que Vous n’êtes pas juste venu pour nous avertir ?

— En effet. Je viens vous proposer Mon aide. »

Cette affirmation ramena le silence plus sûrement que la brève colère de Kawa. Arkim tendit l’oreille au mieux, et il n’était pas le seul : l’attention de tous était sur l’Élément. Belzébuth se pencha en avant, un coude sur la table.

« Vous avez des idées ?

— Personne ne peut arrêter Néant une fois qu’Il est éveillé. Vous essayerez quand même, bien sûr, mais Je vous l’affirme. Celui que nous devons arrêter, c’est Krro, et le plus vite possible. Le tuer n’est pas suffisant, puisqu’Il Se contenterait de S’incarner à nouveau. Mais il y a une autre solution. »

Saâgh eut un sourire amer. Arkim se demanda pourquoi Il semblait si triste, alors qu’Il venait de Lui-même leur donner la clef pour retenir Injustice. Cela ne signifiait-il pas que Lui aussi voulait L’arrêter ?

« Un Élément peut être scellé, dévoila Sang. Personne ne peut Nous retenir dans Notre entièreté, mais ce que Lyth a dit aux anges n’était pas entièrement faux : les Trois Mondes ne peuvent pas Nous contenir. Moi, Saâgh, conscience née du Sang, suis incarné dans un ska. Une bonne partie de Mon aura M’accompagne… mais pas toute. Nous sommes vulnérables dans un corps mortel.

— Vous restez puissant, objecta Lucifer, et Krro l’est plus encore, puisqu’Il est né directement de Création, et non d’un autre Élément. Je ne suis pas certain que Bélial saurait…

— Pas seul, confirma Saâgh. Mais avec l’aide de Saraqael et d’Ariel… Krro devrait d’abord être affaibli, bien entendu. Je lutterai contre Lui. Vous devrez tous en faire autant. Bien sûr, vous risquez de mourir en ce faisant », ajouta-t-il négligemment.

Cette remarque ramena le silence. Puis, Belzébuth se leva.

« Merci de nous avoir fait part de tout cela, Votre Altesse. Nous allons avoir besoin d’un peu de temps pour y réfléchir. »

L’Élément acquiesça, repoussant Lui aussi Sa chaise.

« Bien sûr, discutez-en entre vous. Donnez-Moi votre réponse au plus vite, cela dit. Après tout, Krro a déjà enclenché Son plan, quel qu’il soit, et nous avons encore à Le retrouver.

— Nous ferons au mieux. »

L’archidémon des Ténèbres se tourna alors vers Nysâh, restée silencieuse jusque là.

« Je suppose que vous ne vous êtes pas contentée de l’accompagner ?

— Les raisons de ma présence me semblent futiles après avoir entendu tout cela. Je suis juste venue récupérer les ska qui se sont stupidement laissés entraîner dans cette guerre des drows… Je vous offre bien sûr l’aide d’Ambrosis pour résoudre cette crise. »

Belzébuth jeta un coup d’œil à Lucifer, qui haussa les épaules.

« Emmenez donc le Doyen. Je suppose que les autres vous importent peu ?

— Skady est le seul que je dois exécuter moi-même. Faites ce que vous voulez de ceux qui ont été assez idiots pour le suivre. »

Saâgh Se dirigea vers la porte.

« Je reviendrai demain dans l’après-midi. Entre-temps, concertez-vous. »

Nysâh bondit sur ses pieds.

« Je dois retourner à Ambrosis pour prévenir mon régent que je serai absente plus longtemps que prévu. J’y ramènerai Skady une prochaine fois, il n’est vraiment plus ma priorité. »

Elle fronça les sourcils.

« Je peux faire un crochet par Pandémonium.

— Ce serait aimable à vous, la remercia Lucifer. Nous allons vous fournir une escorte… »

Les différents membres de la réunion sortirent, arborant tous le même air hagard. L’archange du Soleil resta assis un peu plus longtemps, le regard dans le vide, avant de revenir à lui-même et de suivre le mouvement. Bientôt, Kawa et Arkim restèrent seuls dans la petite salle surchauffée.

« Qu’allons-nous faire ? demanda le démon.

— Je n’en sais rien. »

Kawa parlait d’un ton égal, mais Arkim y percevait une trace de panique sous-jacente. Spontanément, il passa ses bras autour des épaules du roi.

« Ne t’inquiète pas, on va s’en sortir. »

Et, en y réfléchissant, il réalisa qu’il connaissait quelqu’un capable de trouver Krro. À condition qu’il soit en vie.

 

***

 

Saâgh avait mis Ses préoccupations personnelles de côté le temps de parler aux archanges et archidémons réunis, mais S’était attendu à une réaction de la part de celui qui avait rendu Sa détention possible. Gabriel n’avait pas cillé en Le voyant, n’avait pas réagi en L’entendant donner Son nom – du moins, pas comme il l’aurait dû.

L’Élément S’était donc permis de sonder l’esprit de l’archange de la Pureté et Il Se sentait perplexe. Gabriel ne gardait aucun souvenir de leur précédente rencontre, ni de l’exorcisme qu’il avait un jour performé sur un jeune dragon d’Alanths.

Plus étrange encore, Saâgh n’avait trouvé aucune trace de manipulation mentale. Les pouvoirs qui permettaient de modifier les souvenirs, la mnemolexie, ne dépendait d’aucun Élément et était issu de la psychée même des créatures magiques. Cependant, Il était passé maître dans cet art, raison pour laquelle Il avait un jhliska dont c’était la spécialité.

Et Il ne voyait rien. Les souvenirs n’avaient pas été arrachés à Gabriel par un spécialiste mais oblitérés… Saâgh se concentra. Oui, cela ressemblait à l’effet d’Essiah sur les étoiles. En plein jour, ces dernières restaient invisibles à cause de la lumière diffusée par le soleil. De la même façon, l’archange avait oublié son passage chez les dragons parce qu’autre chose occultait ce passage de sa vie.

L’Élément voulut lire plus profond dans son esprit afin de comprendre ce qui s’était passé mais, à cet instant, Saraqael remarqua Sa présence et L’éjecta hors de Gabriel sans la moindre seconde d’hésitation. Saâgh grimaça ; Il devait gagner la confiance des anges, pas leur méfiance. Cette fois, l’archange du Soleil s’était contenté d’un avertissement, mais Il ne pourrait pas se permettre de recommencer ses incursions de sitôt.

Le Sang Se retourna dans Sa couche. Soit. Il devrait attendre. L’avantage de l’éternité, c’était qu’Il pouvait Se permettre d’être patient…

 

***

 

La nuit allait être longue et épuisante. Lucifer essayait de réfléchir malgré les coups de massue assenés par Saâgh, mais il n’était pas certain d’être rationnel. Pour s’occuper, il avait évacué une chambre plus grande et fait préparer des bains chauds pour toutes les personnes ayant assisté à la réunion. Après quoi, il avait organisé la soirée à venir. Uriel et Lilith auraient besoin de coussins confortables pour s’installer, et si Nysâh revenait avec elles, du sang devrait lui être fourni. Il n’aimait pas que Pandémonium reste sous la régence de deux simples Princes, mais il savait pouvoir compter sur Van et Ariel. Peut-être ce dernier viendrait-il aussi ? Van ne se sentirait pas concerné par leurs préoccupations, du moins pas directement, mais Ariel était presque aussi vieux qu’eux… Il aviserait.

Les autres aussi devraient manger. Les archanges s’en passeraient, puisque l’Eden pourvoyait à leurs besoins naturels, mais ils seraient reconnaissants d’avoir des boissons chaudes à disposition – et, pour une fois, Lucifer mettait volontiers sa haine à leur égard de côté. Les archidémons, bien qu’ils n’aient pas plus besoin que leurs pairs de se nourrir, avaient tendance à le faire tout de même ; des quartiers de viande furent cuits, épicés et mis de côté.

Puis, le Déchu s’affala sur un fauteuil pour compter les minutes, qui passaient trop lentement à son goût. Combien de temps prenait un aller-retour jusqu’à Pandémonium ? Certainement pas tant d’heures. Les voyageurs devraient se préparer avant qu’ils puissent repartir, et peut-être Lilith et Uriel n’étaient-elles pas capables de voyager par wyverne. Azazel et Asmodée avaient été renvoyées après le combat pour renforcer les défenses de la capitale, elles allaient devoir faire demi-tour. Il espérait que l’archidémone de la Pierre n’avait pas été assez idiote pour se retirer sur ses propres terres malgré la situation. On ne pouvait pas se fier à elle.

« Votre Altesse ? Des voyageurs se sont présentés aux portes et…

— Si ce sont les archanges, laissez-les passer. Les archidémons ne tarderont plus. »

Michaël était délicat, il avait dû attendre que ses adversaires soient proches avant de se montrer aux portes de la ville. Depuis le début de leur alliance objective, anges et démons avaient veillé à être présents plus ou moins en même nombre, afin de ne pas causer de déséquilibre qui rendrait la minorité nerveuse. Inutile de provoquer un accrochage au moment où ils en avaient le moins besoin.

Si les anges avaient été moins aveuglés par leur propre arrogance, ils auraient agi ainsi dès le départ et la guerre n’aurait jamais eu lieu.

Lucifer se leva, sortant dans la cour pour aller accueillir ceux qui l’avaient trahi, tant de siècles auparavant. Heureusement, Belzébuth avait un minimum de sens des convenances et était déjà présent pour s’en occuper en personne – à moins que Saraqael ne l’ait traîné dehors lui-même. Il en était capable.

« Vos Altesse, intervint Lucifer. La salle de réunion se trouve de ce côté. »

Ils l’y suivirent et s’installèrent. Cette fois, le plafond était haut, et la pièce ressemblait plus à un salon qu’à une salle à manger ; tous purent s’installer sur des divans, des fauteuils et, dans le cas d’Astaroth, sur un tas de coussins. Lucifer avait fait empiler sur le sol tous les tapis qu’il avait pu trouver. Cela donnait un air très démoniaque à l’endroit, il le savait, mais c’était aussi plus confortable.

À peine les archanges furent-ils installés que les archidémons furent annoncés. Le Déchu alla les accueillir seul, non sans appréhension, laissant Belzébuth et Astaroth avec les archanges. Les wyvernes stationnaient dans la cour, à quelques mètres des prisonniers. Kamu aidait Lilith à descendre de selle ; pas surprenant qu’il faille compter avec lui. Nysâh était revenue et se tenait aussi loin que possible d’Asmodée. Azazel, Bélial, Ariel, tout le monde était présent. Cela ne laissait que Van à Pandémonium – mais au final, peu importait. Ils avaient besoin d’être ensemble.

Par contre, parmi les nouveaux arrivés se tenait Uriel. Lucifer s’approcha d’elle en gardant une expression aussi neutre que possible et lui tendit la main pour l’aider à se lever de sa litière. L’archange se figea en le voyant et il faillit en faire autant. Ses cheveux étaient devenus plus longs et elle portait des vêtements démoniaques : de longues chausses qui remontaient jusqu’à mi-cuisse, une tunique confortable dont les fentes dévoilaient ses jambes et des manches attachées dans le haut de son dos, qui était laissé nu, afin qu’elle puisse en sortir ses ailes. La couverture qui la protégeait du froid ne cachait ni ses traits creusés, ni les tatouages noirs qui couraient sur son visage – les mêmes que ceux de Léviathan.

Lucifer préférait ne pas savoir à quel point elle devait avoir du mal à se regarder dans la glace.

« Permettez-moi de vous aider, je vous prie, Votre Altesse », murmura-t-il.

Uriel tressaillit. Elle aussi l’avait détaillé du regard pendant ces quelques instants ; sans doute avait-il changé plus qu’elle depuis sa Chute. Ils ne s’étaient pas vus de près depuis longtemps, sauf en combat, mais cela ne comptait pas. Elle accepta enfin sa main et il l’aida à se redresser, puis lui tendit son bras. Elle se laissa être soutenue, les jambes faibles après ce voyage.

Ariel les suivit. Ce n’était pas délicat de sa part d’être venu, car cela faisait deux Princes-démons présents sans Prince-ange pour équilibrer le nombre, mais Lucifer ne pouvait guère l’en blâmer. Lui-même brûlait d’entendre ce qui serait dit à cette réunion si extraordinaire.

Quelques minutes plus tard, celle-ci commençait.

« Azazel, tais-toi, déclara Belzébuth comme entrée en matière. Je ne veux rien entendre sur la beauté des hurlements des anges. Clair ? »

L’archidémone de la Pierre acquiesça en affichant une moue boudeuse. Michaël ouvrit la bouche, mais un regard noir de Gabriel l’empêcha de faire la moindre remarque. Son expression disait qu’il se tiendrait tranquille, merci de ne pas le ridiculiser en public.

Avant qu’un autre puisse prendre la parole Uriel leva une main.

« Comment avez-vous pu laisser fuir Krro ? lâcha-t-elle, glaciale. Il a tué l’un de nous, et vous L’avez laissé partir ! »

Belzébuth se gratta la nuque, embarrassé. Ce fut Astaroth qui parla.

« ‘Peut pas tout savoir, belle dame. Et on Le trouvera. On Le tuera. »

L’archidémon du Sang s’exprimait avec assurance, sa voix grave roulant les r dans le fond de sa gorge. Gabriel soupira et, à la grande surprise de Lucifer, prit à son tour la parole.

« Nous ne sommes pas là pour décider si nous allons vous aider. Il est évident que nous devons unir nos forces face à Krro. »

Sachant combien ces mots devaient lui coûter, Lucifer s’efforça de ne pas le dévisager. En vain.

« Notre problème majeur est le suivant : comment Le trouver ? Il pourrait être n’importe où dans les Trois Mondes. »

Personne ne sut que répondre. Lucifer sentit le découragement s’approcher – or, pas question qu’ils se laissent envahir par un sentiment négatif ! Pas alors qu’enfin ils dialoguaient. Ils avaient passé leurs vies à s’entretuer ; certainement, unis, ils étaient plus forts que toute adversité. Si cela ne se vérifiait pas, la guerre risquait de reprendre et de ne plus s’arrêter, auquel cas ils n’auraient pas besoin de Néant pour détruire les Trois Mondes.

La conversation reprit petit à petit. Les esprits retrouvèrent leur détermination alors que les gens parlaient organisation : qui fouillerait quelle partie des Abysses, quels anges seraient acceptés où, qui veillerait à ce que Krro n’entre pas en Eden. Lucifer commençait à se détendre quand quelqu’un frappa à la porte, puis qu’un domestique entra.

Ils l’ignorèrent, supposant qu’il amenait des rafraîchissements, mais il se racla la gorge.

« Excusez-moi, dit-il d’une voix forte, quoique tremblante. Je pense que j’ai une solution à votre problème. »

Tous se tournèrent vers lui et Lucifer remarqua alors qu’il s’agissait du démon de sang qui suivait Kawa Hedyrn Teynan partout. Le jeune homme trembla en se voyant la cible de l’attention de personnes si importantes, et baissa les yeux pour éviter de les regarder en face.

« Je connais quelqu’un qui devrait pouvoir localiser Krro sans problème. J’ai envoyé Cat à sa recherche tantôt – je veux dire, Catlina, la drow qui est de notre côté – et elle a réussi à le trouver. Donc, hem, voilà. Je peux le faire entrer ?

— De qui s’agit-il, gamin ? questionna Belzébuth.

— Ysk, monseigneur. Le vampire de la Mort. »

Lucifer ne manqua pas le roulement d’yeux d’Asmodée. Belzébuth non plus.

« Eh bien ? Nous cacherais-tu des choses ?

— Ce sale gosse se terre dans l’Au-Delà depuis des jours. Je lui avais dit de revenir ici. »

L’enfant en question apparut alors à la porte, le même qui avait suivi Asmodée ces dernières années. À la grande surprise de Lucifer, son visage avait perdu de ses rondeurs tout en gagnant quelques couleurs. Il restait enfantin, mais paraissait plus âgé de quelques mois.

« Tu aurais pu les aider toi-même, grinça-t-il. Tu es aussi capable que moi de repérer les gens depuis l’Au-Delà.

— Qu’est-ce que c’est que cette histoire ? tonna Belzébuth avant que les archanges n’aient le temps de réagir. Ce n’est vraiment pas le moment de nous cacher des informations…

— Je ne suis pas supposée parler de ce pouvoir, protesta l’archidémone de la Mort. Tu sais que je sers Shyin.

— Shyin voudrait qu’on empêche le monde d’être détruit », dit Ysk.

Asmodée acquiesça avec réticence. Ysk se tourna vers Michaël et Belzébuth, qui étaient assis côte à côte.

« J’ai déjà cherché par moi-même, je sais où se trouve Krro. Quand partez-vous ? »

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